François Pérol appartient à cette catégorie de hauts fonctionnaires brillants qui font la navette entre le privé et le public, mettant leurs relations et carnets d’adresses au service des uns et des autres. Ancien membre de la direction du Trésor, il devient directeur adjoint du cabinet de Francis Mer, ministre de l’économie, en 2002. Il occupe cette même fonction, en 2004, quand Nicolas Sarkozy arrive à Bercy et devient son intime. Lorsque ce dernier quitte le gouvernement, M. Pérol demande à la commission de déontologie son autorisation pour devenir associé gérant à la Banque Rothschild. Dans le 10ème rapport d’activité de la Commission de déontologie de la fonction publique de l'Etat, traitant de l’accès des agents publics au secteur privé, on peut lire ceci :
«"Un conseiller au cabinet du ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, précédemment chef du bureau "endettement international et assurance crédit" » à la direction du Trésor peut exercer une activité d’associé gérant au sein d’un département d’une banque d’affaire sous réserve qu’il s’abstienne de traiter toute affaire dont il a eu à connaître dans ses fonctions à la direction du trésor et au cabinet du ministre, ainsi que de conseiller la direction du trésor (avis no 04.A0826 du 22 décembre 2004).»
M. Pérol s’est estimé capable de respecter cette réserve et a accepté le poste offert par la Banque Rothschild. Il n’est pas certain que les dossiers qu’il avait traités précédemment lui aient conféré une expérience appréciable pour une banque d’affaires. Mais les relations qu’il s’était faites justifiaient vraisemblablement une rémunération mensuelle s’élevant, d’après l’Express, à 200.000 euros mensuels.
Il serait sans doute opportun que soit institué un suivi des avis rendus par la Commission de déontologie car être intervenu en 2004 dans la cession de CDC IXIS à la CNCE aurait dû interdire à M. Pérol de conseiller les Caisses d’Epargne lors de la création de Natixis. En démocratie, pareil manquement devrait être relevé et sanctionné, au lieu, comme il se profile, d'être réédité.
Quand Nicolas Sarkozy accède à la Présidence de la République, M. Pérol le rejoint, au poste de secrétaire général adjoint de la Présidence. Il consent pour cela un énorme sacrifice, son salaire se trouvant divisé par vingt. J’espère que vous verserez avec moi une larme sur son sort : comment peut-on de nos jours entretenir décemment une famille avec 10.000 euros mensuels ! Cette nouvelle situation lui permet d’étoffer et d’actualiser son carnet d’adresses. Pour s’assurer des ressources compatibles avec ses besoins, incapable de demeurer deux ans dans une situation aussi pitoyable, le voici contraint d’accepter de prendre la tête des Caisses d’Epargne et des Banques Populaires. Petit détail : il était présent en tant que secrétaire général adjoint lors des négociations ayant préparé leur fusion.
J’affirmais dans mon précédent billet ne pas être certain de l’immense compétence de M. Pérol. Au vu de ce qui précède, reconnaissez qu’il est sans égal pour la gestion de sa carrière, avec, jusqu’ici, l’absolution de ceux censés faire respecter la loi de 1993 relative à la prévention de la corruption.
Avec ses allers-retours public privé, il manie habilement la navette, cette petite pièce de bois allongée et pointue aux extrémités, servant à faire passer le fil de la trame entre les fils de la chaîne : il est expert pour tisser sa toile. Mais les navets, c’est nous !