Qu'elles affectent une entreprise, un autre type d'organisation sociale ou politique, ou même des individus, les graves crises projettent aux avant-scènes de l'actualité le besoin de revisiter des "objets" plus ou moins lourds : produits, services, fonctions sociales ou politiques, modes de vie, conception de société...
La dynamique générale des crises nous montre qu’au cœur de toute crise il faut concevoir et préparer la sortie de crise. Dans le cas de la crise économique actuelle, des voix nous invitent à « refonder » ou, plus modestement, à « moraliser » le capitalisme. Voix de gauche, plus moins fluettes ; voix de droite plus ou moins crédibles. Voix d’experts aussi toujours prompts à prodiguer leurs conseils dans les catastrophes qu’ils n’ont pas su anticiper.
« Refonder » le capitalisme est une expression qui peut signifier plusieurs chantiers tous de grande ampleur.
S’agit-il de changer ou de réformer le mode de production et d’échange lui-même et la théorie et la pratique de la valeur qui lui sont liées ? Passer, par exemple, d’un mode de propriété privée du capital à… A quoi au fait ? L’ennui, c’est qu’on ne voit pas de projets alternatifs à ce niveau fondamental. S’agit-il (on hésite à écrire « plus modestement ») de reconnecter le monde des échanges financiers à celui de l’économie réelle pour éviter les krachs et les… crashs ? Rude tâche à l'heure des réseaux mondiaux d'information.
S’agit-il de changer ou de faire évoluer significativement notre mode de vie, fondé sur un mode de consommation qui a fait du désir d’achat le principal vecteur de sociabilité ?
S’agit-il de réformer le mode de gouvernance des entreprises et le mode de gouvernement de la société dans un sens plus distributif pour l’un et plus participatif pour l’autre ?
L’ampleur de ces questions laisse d’autant plus perplexe qu’il faut penser et
agir vite.
Enfin, pourrait-on se dire, reste au moins l’idée de moraliser le capitalisme… C’est peut-être le
projet le plus difficile à concevoir et à mener à bien car il se heurte à quelque chose de diffus et de puissant à la fois : une « barrière biologique ».
Moraliser le capitalisme, c’est demander au guépard de devenir végétarien…