L’UMP veut son réseau communautaire : une fausse bonne idée ?

Publié le 06 janvier 2009 par Michael Pierlovisi

6 mois. C’est le temps qu’a donné Nicolas Sarkozy à Xavier Bertrand, le nouveau secrétaire général de l’UMP pour opérer le tournant Online du parti. En clair, s’inspirer (voire imiter) le modèle de communication de l’ex candidat Barack Obama afin d’investir le Web.

Le président n’avait d’ailleurs pas caché son admiration pour le dispositif mis en place par l’équipe du candidat – qui regroupait notamment Chris Hughes le cofondateur de Facebook – et qui fait aujourd’hui figure de cas d’école vu le succès, et le rôle, qu’il a joué dans la victoire du camp démocrate.

Cette évolution, dont on avait déjà aperçu son importance lors des élections présidentielles de 2007, est aujourd’hui motivée par 3 objectifs majeurs pour l’UMP :

  1. Reconquérir les adhérents, dont le nombre a chuté de plus de 25% en à peine un an ;
  2. Constituer une base active d’adhérents motivés, aisément joignable et mobilisable afin d’initier ou d’appuyer les prochaines grandes actions du parti (vagues de recrutement, appui des projets de loi, débats internes, etc.) avec, en ligne de mire, les prochaines élections de 2012 ;
  3. Développer et maintenir une visibilité qualitative du parti. Le dispositif Online de l’UMP en 2007 ne répondait qu’à un seul et unique objectif : être visible, occuper le terrain et l’attention. Si l’objectif a été partiellement atteint, il se pose aujourd’hui un problème « d’image de marque ». A l’instar de n’importe quelle entreprise, la marque « UMP » doit faire face aux détracteurs mais, plus inquiétant, elle n’arrive pas à fédérer une « communauté de fans » capable de générer ce que j’appelle un « buzz premier » basé sur le contenu. L’échec des Ateliers du changement en est un exemple flagrant.

La direction de l’UMP a donc confié à l’agence Isobar le soin de refonder le site du parti et mettre en place les outils d’un futur réseau communautaire, sans donner plus de détails. Je ne m’attarderai pas sur l’opportunité de revoir le site du parti de la majorité (un simple coup d’œil suffit à en saisir l’urgence) mais sur les problèmes que pourraient soulever la mise en place d’un réseau communautaire UMP.

Le contexte

Le dispositif mis en place pour Barack Obama répondait à un seul et unique objectif : élire le candidat démocrate. Il présentait donc trois avantages indéniables :

  • Une promotion exclusive de la marque « Obama » avec un logo et une signature de campagne aussi limpide qu’un « Always Coca-Cola » mais aussi, et surtout, une « innovation » (voire un « bénéfice produit ») historique pour les Etats-Unis
  • La campagne était limitée dans le temps, évitant ainsi un phénomène de démobilisation inhérent à tout réseau communautaire à moyen/long terme
  • D’importantes ressources avec un budget Online d’à peine 1 million de dollars qui a permis d’en lever près de 200 millions…

Si l’UMP ne cache pas ses ambitions pour 2012, la mise en place d’un réseau communautaire autour d’un parti (et non d’un homme perçu comme un changement radical pour le pays) avec une échéance aussi lointaine que 2012, dans une période où le nombre d’adhérent est en déclin est un pari risqué.

Dans ce contexte, l’une des priorités serait plutôt de redéfinir la sphère d’influence Online de la marque UMP au lieu de lui ajouter une nouvelle « couche » Web. Les nombreuses plateformes Web du parti manque de cohérence : u-m-p.org, umpnet.org, Abécédaire de l’action, tableau de bord de suivi des engagements, le blog du parti, groupes Facebook, jeunes de l’UMP etc. autant de briques dont on a du mal à définir les contours et la finalité. L’UMP n’a pas tant besoin d’une webagency pour un nouvel outil qu’une véritable stratégie de communication Online sur le long terme.

La philosophie

Si la France n’a pas à rougir du taux de pénétration d’Internet, ni de son influence grandissante en tant que média, elle se laisse toutefois influencer par l’un de ses plus vieux démons : la publicité.

Aujourd’hui encore, on a trop souvent tendance à considérer le media Web comme un vaste « panneau publicitaire interactif » où l’enjeu consiste à s’acheter une visibilité éphémère à coup de « buzz publicitaire »:  achat d’espace en ligne ou de mots clés sur les moteurs de recherches, sites évènementiels bling-bling, vidéos virales dénuées de tout contenu, etc.

Il n’y a qu’à constater la « bulle médiatique » générée par l’île Sarkozy sur Second Life pour se rendre à quel point ce type d’action est aussi onéreuse qu’inefficace. La crédibilité d’une marque ne se mesure pas uniquement à son taux de reconnaissance par ses consommateurs : elle doit être « consommée ».

La crédibilité de la marque UMP, comme celle de n’importe quel autre parti politique, doit impérativement passer pas sa consommation par les adhérents et le grand public. Et cette consommation ne s’exprime en ligne que par une seule et unique chose : la production de contenu. Susciter et renouveler l’intérêt, faire émerger les conversations et les nouveaux thèmes, bref faire parler de la marque afin de donner corps au contenant mis en place. Plus facile à dire qu’à faire certes, mais la moindre des choses pour un des principaux partis politiques français.

Attention donc à ne pas transformer ce projet de réseau communautaire en simple plateforme sociale. En d’autres termes, éviter de tomber dans l’impasse d’un « Facebook UMP ». Il s’agit de promouvoir une dynamique active, selon les termes de Fred Cavazza, où l’appartenance à un réseau ne se mesure pas à son nombre d’amis ou aux groupes qu’il à rejoint (et dont l’importance se mesure uniquement au nombre d’adhérents)  mais à sa capacité à dialoguer et échanger activement et de façon constructive.

Les ressources

Il y a peu de chances que l’UMP soit capable d’investir autant que le comité de soutien de Barack Obama dans sa stratégie Online. Tout l’enjeu consistera donc à « rationnaliser » son dispositif afin de mettre en adéquation les objectifs et les moyens. Cela passe nécessairement, nous l’avons déjà dit, par une refonte de la sphère d’influence Online du parti en ne se concentrant que sur un ou deux dispositifs majeurs mais également de mettre aux commandes une équipe spécialisée.

Il ne s’agit pas de promouvoir des publicitaires post-80 au rang « d’experts de la toile de l’Internet et des sites multimedia ouaibes » mais plutôt de constituer une équipe de personnes dont c’est le métier. Encore un fois, la comparaison avec la campagne Obama est parlante. Chris Hughes n’était que la partie émergée de l’iceberg. Joe Rospars, était ainsi nommé directeur des nouveaux médias, Scott Goodstein, se chargait du suivi en ligne et Sam Graham-Felsen étant responsable des blogs. En complément, la gestion du triple O « Obama Online Operation » était confiée à une petite entité du nom de Blue State Digital aussi discrète qu’efficace. Son rôle ? Animer, suivre et promouvoir la base opérationnelle barackobama.com qui avec ses 850 000 membres a permis d’organiser près de 50 000 évènements à travers le pays et favoriser l’émergence de la communauté obamamania.

Que l’on ne s’y trompe pas. Internet n’a plus rien à voir avec le gadget ou le media messianique que l’on présentait il y a quelques années. Il s’agit d’un media à part entière dont le fonctionnement et les règles du jeu ont, certes, certains points communs avec les média traditionnels, mais dont la logique et la philosophie sont en constante évolution. La marque Obama doit en grand partie sa victoire à sa bonne compréhension. Attention toutefois à ne pas ériger en dogme ce qui a fonctionné à un instant T et dans un contexte particulier…