Le songwriter Tété a donné à Cast, samedi, le coup d'envoi de son "Labo Solo Tour", mini tournée destinée à tester les chansons de son prochain album. Des compos testées et vérifiées par 350 cobayes exaltés.
Signature de dédicaces à l'issue du concert, samedi.
Il est à peine 22 h 30. La petite salle exigüe de Cast est pleine comme un oeuf et respire à l'unisson. L'impatience est perceptible sur les visages de cette foule aussi diverse que compacte. La délivrance est proche lorsqu'apparaissent Roger Mauguen et Eric Bert, co-organisateurs des Vaches folks. Ils tirent Tété par le bras pour l'aider à se frayer un passage jusqu'à la scène. Une entrée dans le pur esprit Vaches folks, qui a inventé cette relation de proximité particulière entre les artistes et leur public. Ici, pas de chichis.
Eric Bert tend le cou jusqu'au micro dressé pour le géant d'ébène. "On nous a demandé plus d'une fois pourquoi nous n'avions pas jusqu'ici invité de songwriter français. Je dois vous avouer qu'en lançant les Vaches Folks, nous rêvions, sans y croire, de faire un jour venir Tété. Et voilà qu'il est là, sous nos yeux !", lance-t-il, le touchant du bout du doigt, comme pour s'assurer qu'il ne rêve pas.
Le public invité à participer
Cet esprit Vaches folks sied parfaitement au "Labo Solo Tour" imaginé par Tété. Ce n'est sans doute pas un hasard s'il a choisi de lancer à Cast cette mini-tournée de près de 25 dates. Une petite salle (près de 350 personnes tout de même), un public chaleureux et réceptif, que demander de mieux lorqu'on cherche à tester le matériel d'un nouvel album. A l'heure du tout participatif, Tété a créé ce concept de laboratoire où le public est invité à collaborer au processus de création. Le songwriter invitera ainsi chaque spectateur à lui envoyer directement, par mail, ses impressions sur les nouvelles chansons. "Dites moi sincèrement ce que vous en pensez; ça m'aidera à les améliorer !"
Tester un vaccin à la crise
En parfait laborantin-en-chef, Tété dirige les expériences. La mission du jour : tester un vaccin à la crise. Véritable pile électrique sur scène, il anime son show comme une émission de radio, où le silence est proscrit. L'artiste occupe l'espace, autant sonore que géographique. Chaque titre qu'il égraine est ponctué de monologues dignes d'un "stand up comic" de tradition américaine. Son débit est rapide, haletant, les envolées de guitare servant à meubler les moindres tâtonnements du discours.
Et alors, ces nouvelles chansons ? Infaillibles, si l'on en juge à la façon dont elles ont été reprises de concert par les cobayes volontaires. Avant l'entame de chaque morceau, Tété prend soin d'en livrer la teneur mélodique de telle sorte que chacun puisse s'associer aux harmonies. Il exhorte aussi "les mains les plus sexy du Finistère" à battre la mesure. Lorsque la mixture (un éventuel vaccin, déjà ?) prend forme, le résultat est édifiant. On croirait qu'ils sont dix sur scène, et pourtant, il n'y a bien qu'un Tété, casquette vissée sur le crane, bouc hirsute et ces épaisses montures qui lui donnent un petit côté intello.
Car l'artiste n'est pas qu'un musicien merveilleusement doué. Ses textes peuvent être d'une causticité redoutable. Lorsqu'il entonne "Banqueroute" ou "Les temps égarés", nouveaux titres qui semblent répondre à "La relance", chanson phare de son dernier opus, le public, conquis, en redemande. Tété peut écourter les recherches. Il l'a bel et bien trouvé, son antidote à la crise.
ANN ELEN EN TOUTE SIMPLICITE
Ann Elen et Roger Mauguen, patron des Vaches Folks, à l'issue du concert, samedi.
C'est à Ann Elen, chanteuse folk originaire de la Presqu'île, que revenait l'honneur d'ouvrir la soirée des Vaches Folks, samedi. Le bonheur de la Crozonnaise, radieuse sur scène, était palpable. Il est vrai qu'avoir la joie de se représenter avant "l'immense Tété" (ses propres mots), constituait un nouveau challenge pour cette artiste dont la carrière semble aller crescendo depuis la première partie d'Alela Diane, au Vauban, à Brest, en mars 2008. Que de chemin parcouru en un an ! Flanquée d'Olivier Blaizot, son guitariste virtuose, Ann Elen, elle-même experte de la six-cordes, a livré, de sa voix claire, un bel échantillon de son répertoire. Les arabesques sonores d'Olivier Blaizot illuminent les titres, tous interprétés en anglais, qui s'abreuvent aux sources du répertoire nord-américain. Des mélodies dépouillées qui s'impriment durablement. Des paroles qui racontent avec justesse les petits maux de l'existence et autres alléas de la vie. Contrainte à une chorégraphie minimaliste, du fait d'un accident récent aux Antilles, la chanteuse n'a pu se livrer à "ses petits pas de danse" habituels. Mais on devine qu'Ann Elen, ce petit bout de femme tout feu tout flamme, n'est pas du genre, dans la vie, à rester fixée sur son tabouret. Par son humour et sa simplicité, l'artiste rayonne et cette ferveur est bigrement contagieuse.
Articles publiés le lundi 9 mars dans Le Télégramme, édition de Châteaulin.