La semaine dernière fut intense en émotion. Finalement, après d’âpres discussions, nos parlementaires ont fait le choix d’abroger la proposition d’ouverture du capital des laboratoires de biologie médicale, tout en accordant, à contre coeur à notre gouvernement un blanc-seeing pour la poursuite de la réforme. Il nous faut maintenant être extrêmement vigilants afin que cette victoire contre les périls d’industrialisation qui menaçaient, sous l’angle de la biologie médicale, l’ensemble du système de santé français, ne resurgissent pas de façon détournée.
En particulier, ce sont contre les velléités d’auto-industrialisation venant d’une frange marginale de professionnels que nous devons maintenant être extrêmement vigilants. Et il est de notre devoir d’alerter les membres du Sénat qui seront bientôt amenés à trancher le sujet de la biologie médicale, de même que l’ensemble des patients français, sur la nécessité de poser un cadre et des règles strictes, afin d’empêcher des dérives propres à notre profession comme nous venons d’empêcher les dérives industrielles.
La réforme de la biologie ne pourra se faire sans que nous-mêmes professionnels, les représentants élus du peuple, les membres du gouvernement ne choisissions sans arrière-pensée de garantir une biologie de proximité au service des patients en introduisant des règles éthiques et déontologiques d’accession et de transmission du capital de nos outils de travail.
Cette réforme ne devrait se faire que pour, et dans l’intérêt des patients. Depuis deux ans, deux conceptions extrêmement opposées de ce que pourrait être la biologie de demain s’affrontent. La première, prônant un système de type industriel, sous couvert d’économies de santé, expose le patient français et sa santé à se retrouver marchandisé au même titre qu’un steak, un produit de consommation courante, un bien immobilier. L’humain a bien failli être ravalé au rang de produit, avec toute la froideur et le cynisme que peuvent développer des industriels, mais cette fois dans le domaine de la vie et de la mort des Français. Il semble que ce péril, compris par le peuple français comme par ses élus, ait été provisoirement repoussé. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
Mais il ne s’agit pas d’oublier d’édicter maintenant les règles robustes qui feront que les professionnels de demain continueront à avoir la même préoccupation du patient français que celle que nous avons actuellement, et plus délicat encore, écarteront les tentations d’une frange minoritaire de praticiens ayant abdiqué leur éthique, de réorganiser à leur profit et non en celui des malades la biologie médicale. Ces professionnels peu scrupuleux ne rêvant que de s’assurer de la place des industriels que nous venons de chasser du domaine de la prise en charge de la santé des patients. De cela, nous le disons avec assurance, nous ne voulons pas.
Encore plus que dans tous les secteurs de la vie politique, la santé des Français nécessite prudence, droiture, éthique.
Les jeunes biologistes demandent donc instamment au gouvernement, avec l’appui du peuple français, que leur exercice dans des structures de taille humaine (seule garante d’une prise en charge de proximité, personnalisée, de leurs patients) et leur liberté d’exercice soit garanties par une réglementation nationale, et par un pouvoir de contrôle renforcé de la part des ordres. Nous demandons également, afin de pérenniser le système de la biologie médicale telle qu’il existe aujourd’hui, et qui a déjà monté toute sa valeur et son avance face aux différents systèmes européens qui nous sont opposés, que le gouvernement et nos parlementaires veillent à ce que soit facilitée la transmission de l’outil de travail de la génération de biologistes composée de nos aînés partants à la retraite envers les jeunes professionnels de la biologie médicale française.
Sans cela, nous n’aurons fait que retarder le désastre, et nous assisterons, impuissants, à la marchandisation de la santé du peuple français, qu’elles viennent de l’extérieur et de spéculateurs avides, ou de l’intérieur et de praticiens sans scrupules.
André Malraux, qui a soutenu le général De Gaulle lors de la création du système de santé et de solidarité français au lendemain de la seconde guerre mondiale écrivait : « le XXIe siècle sera spirituel, où il ne sera pas ». Nous agréons, et pensons même au delà que le XXIe siècle sera éthique, ou ne sera pas.
Avec le concours du peuple français, nous combattrons pour qu’il le soit.
L'humain au centre, l'éthique d'abord