Tout comme en mars 2008 à Heathrow, une réunion intermédiaire de la Commission baleinière internationale (CBI) va s'ouvrir à Rome pour trois jours à partir de demain (lundi 9 mars 2009). L'objet des discussions est le futur de la CBI. Cette organisation internationale se trouve en effet dans l'impasse, c'est à dire incapable de remplir son mandat qu'est "la conservation judicieuse des populations de baleines et de rendre possible le développement ordonné de l'industrie baleinière", depuis plus de 20 ans du fait de l'opposition entre pays pro-baleiniers et anti-chasse.
Les discussions de la réunion intermédiaire vont très probablement porter sur les suggestions des présidents de la Commission (William Hogarth) et du groupe de travail sur l'avenir de la CBI (Alvaro de Soto) créé lors de la 60 réunion plénière qui s'est tenue à Santiago du Chili en juin 2008. Voyons donc en quoi consiste ces suggestions.
Le groupe de travail sur l'avenir de la CBI s'est réuni à deux reprises : en septembre 2008 à St Petersburg en Floride, et en décembre de la même année à Cambridge. Les membres du groupe de travail ont identifié 33 questions nécessitant d'être prises en considération lors des discussions sur l'avenir de la CBI. Ces questions ont ensuite été divisées en deux catégories en fonction de leur importance : (a) les questions critiques devant être traitées dans le court terme ; (b) les questions pas ou moins urgentes dans la recherche d'un consensus. Les suggestions faites par les deux présidents abordent uniquement les questions de la catégories (a). Il s'agit de (1) la chasse côtière aux petits cétacés au Japon, de (2) la recherche sur les cétacés dans le cadre de permis spéciaux (article 8 de la Convention), des (3) sanctuaires et du (4) whale-watching / utilisation non létale des baleines.
Concernant (1) la chasse côtière aux petits cétacés (rorquals de Minke), les présidents de la CBI et du groupe de travail proposent d'allouer un quota de chasse pour 5 ans selon les recommandations du comité scientifique de la Commission. Le document prévoit deux scénarios : (a) le même niveau de prises pendant 5 ans, puis un quota zéro ensuite ; ou (b) des prises constantes lors des 5 premières années et les années suivantes. Ces scénarios dépendent du monitoring de l'une des deux populations de rorqual de Minke présentes au large du Japon, le stock J (mer du Japon) et des prises involontaires (baleines prises dans des filets de pêche) d'animaux de ce même stock. Or l'étude des populations du stock J nécessite l'accès à des zones territoriales russes et n'est pas encore complète. Autrement dit, des prises involontaires d'animaux de ce stock pourrait conduire à une réduction du quota recommandé par le comité scientifique.
Cette chasse côtière serait limitée à 5 navires baleiniers originaires de Taiji (département de Wakayama), Wada (département de Chiba), Ayukawa (département de Miyagi) et Abashiri (département de Hokkaido). De même, la consommation des produits baleiniers serait locale, bien que le document ne précise pas ce qui est entendu par ce terme. Des mesures d'inspection et de contrôle seraient également mises en place.
La question des (2) programmes de recherche sur les cétacés sera probablement celle où les débats vont être les plus ardus. Les propositions du groupe de travail incluent là aussi deux options : (a) un arrêt progressif de ces programmes sur 5 ans ave aucune capture de rorquals communs ou de baleines à bosse, les niveaux de capture étant l'objet de recommendations du comité scientifique ; (b) une poursuite des deux programmes, incluant des quotas de 5 ans pour les rorquals de Minke antarctiques et les rorquals communs dans l'océan Austral (JARPA2) et les rorquals de Minke, de Rudolphi, de Bryde et les cachalots dans le Pacifique nord-ouest (JARPN2) établis là aussi selon les recommandations du comité scientifique
Le gouvernement japonais a déjà fait savoir qu'il s'opposerait à l'arrêt de ses programmes scientfiques, l'émission de permis spéciaux étant un droit de tout pays signataire de la Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine. Les opposants à la chasse à la baleine rejettent les suggestions, considérant qu'elles sont trop en faveur du Japon. L'Australie qui participe au groupe de travail a d'ailleurs été critiquée pour avoir pris part à la création de ce document. Des ONG comme Greenpeace ont demandé au nouveau gouvernement américain de Barack Obama de nommer un nouveau commissaire à la CBI et d'empêcher tout deal sur la chasse à la baleine.
Les discussions s'avèrent donc difficiles, même si le Japon semble prêt à négocier le nombre de baleines qu'il capture dans le cadre de ses programmes de recherche en échange d'un quota de 150 rorquals de Minke pour ses communautés baleinières. Il faut cependant souligner que dans le cadre de discussions appelées "filet de sécurité" (Safety Net), les pays pro-baleiniers préparent un substitut à la CBI au cas où l'actuelle tentative de consensus devrait échouer, comme le prouve ce document préparé par Dan Goodman, conseiller à l'Institut japonais de recherche sur les cétacés (ICR).
Si le sujet vous intéresse, je vous invite à lire l'analyse de David-in-Tokyo (en anglais), ainsi que cet article du Suikei Shinbun (en japonais). La CBI est sans doute à un tournant de son histoire. Un échec dans les discussions pour son avenir aurait non seulement un effet désastreux pour cette organisation, mais serait aussi un terrible précédent pour la gestion internationale des ressources marines.