A las cinco de la manana…
Le Net en Burkha et le gouvernement à poil
L’internet s’est scindé en deux, brisure politico-émotionnelle causée par un projectile gouvernemental nommé Hadopi. Il y a ceux qui, emboîtant la quadrature du Net, ont repeint leur blog en noir. Le noir du deuil ? Le noir du pirate ? Je ne sais.
En face, ceux qui ont manifesté bruyamment leur mécontentement en refusant de s’associer à cette pseudo-manifestation ou en la considérant inefficace.
mondes engloutis – la danse des pirates
envoyé par Whisky-Larson
Etant moi-même déjà sur fond noir, on pourrait penser que je suis anti-Hadopi. Il n’en est rien.
D’une part, je considère, sans pour autant signer un chèque (en blanc) aux gouvernements, que les concepteurs de la régulation sur internet ont raison de vouloir rétablir une économie de la pénurie, une discrimination insider/outsider sur un marché aujourd’hui totalement gangréné par le piratage. Toutefois, je pense que le projet actuel est bidon (mais venant de Catherine Albanel, cela commence à devenir une habitude), et que les arguments des opposants sont tout aussi mauvais.
L’Hadopi : Face à la mer…
L’Hadopi en effet est censée, telle la Halde ou le Médiateur, veiller sur le net en intervenant par des mesures de riposte graduée pour menacer tel ou tel qui effectue des téléchargements illégaux, voire couper l’accès à internet.
Cette méthode « douce » est un coup d’épée dans l’eau : pour que la dissuasion fonctionne, il faudrait effectuer des échantillons massifs et récurrents d’internautes, c’est à dire transformer les FAI (Free et SFR) en gendarmes des abonnés. Or, Free est une épine dans le pied des lobbies : toujours un coup d’avance, avec une mentalité de corsaire – impossible à discipliner. De plus, demander à des sociétés privées de surveiller ses clients est un exercice contradictoire…
Du coup, l’Hadopi sera aveugle : elle mettra un temps fou pour réagir sur un cas isolé, comme si vous tentiez de creuser un trou de sable sur un front de mer un jour de grande marée. Il est prévisible qu’elle tapera au hasard, quitte à faire dans l’a peu près : brûlez les tous, internet reconnaîtra les siens. A en croire Autheuil, elle n’est de toutes façons que le vaisseau pilote de lobbies qui comptent exercer une pression énorme sur les FAI. D’autres parlent de mouchards sur les ordinateurs. Hadopi partage avec Marilyn Monroe le privilège de provoquer des fantasmes incroyables.
Le crâne d’Hadopi avec deux tibias entrecroisés…
Les arguments de la Quadrature du Net me semblent en revanche peu pertinents. Ils mettent en avant ceci : « Ils n’ont pas compris que nous avons changé d’ère, que certaines approches sont dépassées, qu’il faut repenser collectivement notre façon d’aborder le contrôle de l’information. Selon nous, il est impossible de contrôler efficacement la circulation de l’information à l’ère du numérique par le droit et la technique, sans porter atteinte aux libertés publiques et freiner le développement économique et social. C’est ce que nous appelons la quadrature du net. »
C’est avec ce type de ré-théorique pernicieuse que nos chers gouvernants se sont autopersuadés que la Finance internationale ou les exilés fiscaux étaient hors de tout contrôle étatique. Nous avons vus les résultats.
La Quadrature du Net a raison de pointer que le Net a généré une nouvelle génération de citoyens, le rêve des utopistes du début du XXème siècle, comme le juriste Georges Scelles par exemple. Sur internet se créée une société décentralisée, sans noyau (même si certains tentent de recréer des noyaux), une société libre proche de l’état de nature.
Ce n’est pas une raison pour ne pas vouloir la civiliser. Pour le faible, c’est le droit qui protège et la liberté qui opprime, disait Lacordayre. J’avais déjà expliqué ici que l’Internet était le nouveau creuset éducatif du siècle. Si nos écoles communales avaient enseigné au siècle dernier aux têtes blondes à être des pirates, nos parents et nous-mêmes auraient été des Barbe-Noire. Je suis aussi un oeil noir attentif à la propriété des idées.
Dès lors, je ne vois pas en quoi transformer l’internet en Haute-mer avec une loi du pavillon et des pirates en liberté soit un grand progrès. La réthorique du « Big Brother is watching you » dissimule mal une génération qui refuse tout simplement de payer pour ce qu’elle consomme.
Mai 68, II, le Retour
En réalité, les adversaires d’Hadopi veulent recréer un phalanstère économique, un endroit où l’on pourrait non pas vivre l’amour libre, mais l’économie libre. Or, la gratuité, mais ce n’est que mon avis, peut au final tuer la source. Si demain, le taux de pénétration sur internet étant ce qu’il est, la quasi-totalité des consommateurs peut avoir accès librement aux supports culturels, l’économie de la musique et du film s’effondrera. Toute la propriété intellectuelle est fondée sur le principe de juridiquement sécuriser une idée, un concept, un produit pour permettre le gain sur moyen-terme du créateur. Qu’on y apporte des limites pour des médicaments permettant de lutter contre le VIH, c’est normal. Mais il est risible de voir Nanard Gros-Derrière éructer parce que télécharger gratis Piège de Cristal III lui sera désormais interdit et que c’est « une atteinte à sa liberté ». Voilà bien une attitude de petit bourgeois confit de richesse - qu’il regarde de quoi on meurt au Burkina-Faso, cela lui remettra les idées en place.
En conclusion, si Hadopi est sans doute une bien faible parade à l’Hydre de l’Internet, je n’achète pas pour autant les arguments des phalanstériens. D’une part, leur position est motivée sur un postulat idéologique (la régulation, c’est mal). Il y a 40 ans, c’était « il est interdit d’interdire » – moralité, cette génération qui jetait des pavés est celle qui ensuite a imaginé Hadopi…
D’autre part, économiquement, leur modèle poussé à l’extrême finira par tuer la création : pourquoi consacrerais-je des mois à monter un film si personne ne peut garantir que je rentrerai dans mes frais ? Il n’y a donc pas lieu de glapir en invoquant la démocratie et la liberté individuelle : there is no such thing as a free lunch.
La Sécurité sociale l’a oublié – et elle risque d’en crever.
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