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Reconnaître le besoin de changer

Par Marc Traverson

Frog_2 Vous connaissez sans doute l'expérience de la grenouille que l'on plonge dans une casserole d'eau bouillante. D'un bond, elle saute par-dessus bord et échappe à la mort. Normal. Mais que l'eau soit froide, et que l'on allume un petit feu sous la casserole – la grenouille ne réagira pas à la montée progressive de la température et se laissera ébouillanter sans réagir.

Il en va ainsi du changement de notre environnement. Lorsqu'il est brutal, soudain, nous réagissons avec force et décision. Mais si les conditions se modifient lentement, insidieusement, progressivement, alors il est plus difficile de se mobiliser et de réagir. Parce qu'il est malaisé de repérer le moment où l'on franchit le seuil de tolérance qui imposerait de notre part une attitude radicale, un choix décisif. Un changement de position. Un vrai mouvement.

Certaines circonstances de la vie font de nous des grenouilles confrontées à un malaise insidieux. Quand la situation s'enlise, se dégrade, tourne à l'aigre, et que nous en souffrons. Il peut s'agir de la position professionnelle, des rapport avec le conjoint ou les enfants, avec la famille, de la qualité de vie. On se dit que la tendance s'inversera, que les choses évolueront forcément dans le bon sens, que ça ne peut pas durer. Et plus on attend, plus il semble difficile d'agir. Nos compromissions nous attachent.

Souvent, c'est le souvenir de liens et de plaisirs passés qui retient d'agir. La complicité avec cette personne a été forte, des épreuves ont été affrontées ensemble, si bien que des années plus tard, alors que la personne en question a changé, modifié son attitude, révèle contre nous une sournoise rivalité, on continue de croire aux anciennes amours. On se leurre, on s'aveugle pour ne pas souffrir une séparation. On a pris grand plaisir dans cette équipe, dans cette entreprise, jusqu'à refuser de voir que l'environnement a évolué et que, pour une raison ou une autre, nous n'y occupons pas la place à laquelle nous pouvons légitimement aspirer.

Attendre que la coupe soit pleine pour prendre, enfin, les mesures qui s'imposent, c'est un peu la loi du tout ou rien. Posez-vous un instant la question. Fonctionnez-vous sur le mode de la "cote d'alerte" ? Attendez-vous d'avoir la tête sous l'eau, et que l'on vous appuie dessus, pour reconnaître que vous avez sérieusement besoin de changer quelque chose dans votre vie ? Faut-il que la situation soit devenue désespérante dans votre travail, les relations exécrables avec votre boss, que l'agressivité ou l'ennui soit le quotidien de votre couple, pour envisager une nouvelle façon de faire ?

Réagir seulement lorsque la situation est profondément dégradée, déprimante, est un fonctionnement coûteux en énergie. C'est déjà mieux que ne pas réagir du tout, mais tout de même : qu'est-ce qui fait que l'on ne s'entend pas souffrir ? Pourquoi ne percevons-nous pas que l'eau monte, et qu'il convient de sauter en dehors de la casserole avant que les brulûres soient trop profondes ? Cela fait penser aux garçons qui tombent et s'écorchent dans la cour de récréation, et qui parce qu'ils sont fiers, nient la douleur, stoïques (surtout quand les filles les regardent !). Même pas mal ! Dans votre vie, y a-t-il ainsi des situations détestables dont vous prétendez qu'elles ne vous font "même pas mal" – attitude de dénégation qui aboutit à laisser s'installer un problème, qui se règle rarement de lui-même.

Le "même pas mal" vient de l'enfance, de l'injonction intériorisée selon laquelle certaines choses ne se disent pas, ne se font pas – ou simplement, peut-être, parce que, dans son inédit, une situation nous confronte à nos propres limites, à une ignorance de la manière dont nous pourrions ou devrions réagir.

Les hommes ne pleurent pas. Ce n'est pas bien de demander. Il ne faut pas faire de vagues. C'est vulgaire de parler d'argent. On ne doit pas faire passer ses intérêts avant ceux des autres. Chacun doit garder ses émotions pour lui. On n'obtient que par la force. Il ne faut jamais se battre. Etc.

Pilotés par notre logiciel surmoïque (les commandements et interdictions hérités des parents et éducateurs, et qui continuent d'animer les comportements d'adultes), nous manquons parfois de la liberté pour agir comme nous trouverions, par ailleurs, naturel de le faire, si c'était quelqu'un d'autre que nous qui vivait la situation. Nous attendons. Nous espérons. Nous subissons. Au risque d'autoriser la situation à s'enkyster, à induire les autres en erreur sur nos besoins et ce qui nous rend heureux. Incessants malentendus. Qui appellent un geste de notre part: une création.


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