L’autre jour je remontais Mathilda Avenue près de chez moi. Au feu rouge, je remarque une longue queue devant Denny’s (Denny’s est une chaine de restaurants, des restaurant traditionnels, « diners », où l’on sert les riches petits-déjeuners bacon, œufs, pommes de terre, café à volonté, etc. pour moins de 10$). Je me suis dit que peut-être ils embauchaient et que beaucoup de monde s’était présenté. Plus loin sur l’avenue Mathilda, autre restaurant Denny’s, mais même histoire : une foule de gens. Alors cela m’a effleuré, ils devaient faire une promotion ce jour-là et tout le monde avait afflué.
Longues queues devant chez Denny's
Image crédit Marketingshift.com
J’ai su par la suite que ce 4 février Denny’s donnait son petit déjeuner Grand Slam gratuitement (normalement pour 6 dollars, 2 œufs, 2 pancakes, saucisse et bacon, soit 44g de
gras et 770 calories…). Dans tout le pays ils ont eu une ruée dans leurs restaurants. Ils ont servi 2 millions de repas ce jour-là dans leurs 1500 points de vente, pour un coût
de 5 millions de dollars.
Le 4 fevrier Denny's distribue son petit-dejeuner Grand Slam gratuitement dans leurs 1500 points de vente
Crédit image Adage.com
Ces queues devant les restaurants, cela vous rappelle-t-il des clichés que vous auriez déjà vus?
Queue devant un "diner" type Denny's pendant la Grande Dépression
Image crédit Thickets.net
Quelques jours plus tard, j’ai été frappée d’entendre à la radio que les Etats-Unis venaient de battre un nouveau record économique: 31,8 millions d’Américains bénéficient
désormais de coupons alimentaires (« food stamps » en anglais).
Un peu de contexte, les coupons alimentaires sont une subvention gérée localement par les Etats pour aider les résidents légaux à s’alimenter correctement. A ce jour il s’agit d’environ 115 dollars par personne et par mois. Le président Obama dans sa loi de relance économique a inclus une mesure qui augmentera ce montant de 13% au 1er avril.
Je ne suis pas sure que les coupons alimentaires ressemblent vraiment à cela
Image crédit nation.com
On savait déjà que les Etats-Unis comptent environ 40 millions d’habitants sans assurance santé (plus quelque 15 millions de « mal assurés », comprendre dont l’assurance ne
couvre pas grand chose), mais 31 millions de personnes avec des subventions alimentaires, c’est autre chose ! 700 000 nouveaux bénéficiaires pour janvier 2009 seulement, soit un
rythme annuel de 8,4 millions ou 27% d’augmentation annuelle.
Le Texas avec 3 millions de personnes est l’Etat avec le plus grand nombre de bénéficiaires. Au total 51% des bénéficiaires sont des enfants de moins de 17 ans, 9% des personnes de plus de 60 ans et 65% des bénéficiaires vivent dans un foyer monoparental.
Arrêtons-nous ici un instant : en janvier 2009 aux Etats-Unis 700 000 personnes sont devenues bénéficiaires de subventions alimentaires. 700 000 personnes !
Cela dit, et bien que les chiffres de la campagne 2008-2009 des Restos du cœur ne soient pas encore sortis (avril est la fin de la campagne), les différents départements rapportent déjà autour de 15% d’augmentation du nombre de repas servis.
Les Restos du coeur ont franchis un nouveau seuil en 2008 en bondissant à 91 millions de repas servis
Source http://www.restosducoeur.org/chiffres.php
Dans ce blog, j’aime à souligner les contrastes ou similitudes entre la France et les Etats-Unis.
Il serait facile comme à notre habitude de décrier le nombre de bénéficiaires de subventions alimentaires au Etats-Unis. A première vue quelque 10% de la population aux Etats- Unis (31 millions sur ~300 millions) contre ~2.5% de la population en France. J’arrive à cette estimation très approximative pour la France en comptant 700 000 bénéficiaires des Restos du cœur en 2007-2008, en doublant ce nombre pour tenir compte des autres secours alimentaires (Soupe populaire de l’Armée su Salut, etc.) soit 1,4 millions puis en divisant par ~65 millions d’habitants.
Cela dit, cette comparaison est complètement erronée, car imaginez un instant qu’en France nous supprimions les allocations familiales ? (~125 euros par mois pour deux enfants et sans condition de revenus) Alors, nous verrions vraiment combien de foyers nécessitent une aide de subsistance.
En conclusion donc, les temps sont vraiment rudes pour beaucoup de part et d’autre de l’Atlantique, espérons que nous n’arriverons pas au niveau de la Grande Dépression.