Le numéro 81 de la revue “Vie de familles”, daté de février 2009, publiée par la Caisse d’Allocation Familiale, consacre son dossier à la dépendance des enfants et des jeunes aux écrans, sans cesse plus nombreux dans les foyers. Son titre : “Nos enfants accros aux écrans ?”
Dans un contexte de suspicion généralisée à l’égard de ces nouvelles pratiques, le point d’interrogation qui clôt le titre de l’article m’a surpris. Paresse intellectuelle ou complaisance avec un cadre social professionnel assez hostile opposé au jeu vidéo, j’avais implicitement gommé l’interrogation pour ne conserver que le point
Le dossier ne se révèle pas un procès à charge et l’écran, en dépit de la fascination qu’il suscite et qui inquiète, n’y figure pas l’ennemi à circonscrire ou à éliminer mais un outil à connaitre et à maitriser.
Attention aux extrêmes, met en garde la rédaction. Si le laisser-faire n’est pas souhaitable, l’interdiction pure et simple peut se révéler préjudiciable aux jeunes qui doivent avoir une maîtrise satisfaisante des nouvelles technologies.
Deux experts ont été sollicités pour la réalisation de ce dossier :
Michaël STORA, psychologue et auteur de “Les écrans, ça rend accro… Ca reste à prouver”, Hachette littérature.
Serge TISSERON, psychanalyste, auteur de “Qui a peur des jeux vidéo ?”, Albin Michel.
Poser des limites et accompagner les pratiques sont les formules clés proposées aux parents. La recherche d’un juste milieu entre la satisfaction immédiate du désir de jouer ou de communiquer avec les pairs et la préservation d’un temps suffisant de “cerveau disponible” pour d’autres activités - pourquoi pas scolaires ;-) - est au coeur de cet espace de confrontation à haute teneur éducative.
Selon Serge TISSERON, le terme d’addiction, n’est pas transférable au jeu vidéo. Il préfère parler de “joueur excessif” ou de “joueur passionné”. Ce qui lui semble devoir faire l’objet d’une grande vigilance, c’est lorsque cette activité ludique écarte toutes les autres. La suppression peut se révéler explosive, en particulier avec les ados. Il préconise plutôt la négociation et le contrat, en engageant chaque partie à en respecter les termes.
Trop récemment introduites dans l’espace social, les nouvelles pratiques de jeu ou de surf sur internet n’ont pas encore livré à la recherche tous leurs secrets, tant en matière d’effets indésirables, d’acquisition et de construction de compétences nouvelles.
Au début des années 2000, une jeune chercheuse de l’ENSAM, curieuse de l’utilisation des logiciels multimédia par les élèves, m’avait sollicité pour imaginer, avec elle, une petite recherche-action sur les techniques de recherche documentaire sur cédérom. Son initiative était liée à l’absence d’éléments sur le thème. La technique et l’usage étaient allés beaucoup plus vite que la recherche… Ingénieure, son projet était : en amont, d’améliorer les outils mis à la disposition des jeunes et, en aval, à partir d’une “cartographie” et d’une sorte de “grammaire” du multimédia, de former nos jeunes à des usages plus efficaces.
Nous ne sommes pas allés au bout de notre projet. Je crois que nous avons, l’un et l’autre bifurqué mais depuis, le terrain a été largement labouré…
Pour autant, l’école, en dépit de ses rapports orageux avec les médias, a le devoir d’investir ces nouveaux espaces de construction de savoir et ces nouveaux langages. Faute de quoi, ces apprentissages continueront à se faire : - sans elle, dans les familles qui disposent des moyens* nécessaires et parfois, - contre elle, dans celles où on ne propose ni limites ni accompagnement.
- Pour aller plus loin sur le sujet, la revue propose :
Un guide à télécharger : “P@rents ! La parentalité à l’ère du numérique“.
Le numéro 29 de la revue publiée par l’association Parentel, qu’on peut commander sur leur site, à l’adresse suivante :
http://www.parentel.org/ rubrique “Publications”.
* Par moyens, j’entends ici, non seulement la présence des appareils mais aussi le temps et les connaissances nécessaires aux parents pour mettre en place un accompagnement.