J'ai déjà noté que tout le monde ne perd pas forcément dans cette criiiise, avec plein de 'i' tant l'hystérie s'installe ; on notera d'ailleurs les yeux affolés de nos gouvernants lorsqu'ils nous en parlent, ce qui en dit long sur ce qui se passe réellement en coulisses. Pour Borloo, c'est différent : il a appris que les open-bars, d'après Roselyne, c'est fini. Les journalistes en mal de papiers, les blogueurs en mal de billets faciles, les hommes politiques, en mal de pouvoir et d'interventionnisme bien violent ont déjà commencé à retirer des marrons du feu. Mais ces événements profondément perturbateurs sont aussi l'occasion de tester des changements importants...
Ne boudons pas notre plaisir, cela est suffisamment rare pour être noté : un marché va être (un peu) libéralisé et des taxes vont (un peu) baisser.
Oui. Vous avez bien lu. Des taxes vont baisser. Je vais laisser ici quelques lignes de respiration parce que, en France, ceci est assez exceptionnel pour être noté. Recueillons-nous.
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Maintenant que nous avons pris le recul nécessaire - pour ceux qui se sont trop reculés et n'arrivent plus à lire : un peu de sérieux, merci - étudions la nouvelle qui m'a fait quasiment lever tout un sourcil quand j'en eu pris connaissance : le gouvernement entend ouvrir progressivement à la concurrence le marché des jeux de hasard, par exemple en autorisant la tenue de parties de poker en ligne.
Stupéfaction ! Cela faisait des années que les gros bras du PMU et ceux de la Française des Jeux tentaient toutes les manœuvres possibles pour conserver le gros monopole juteux des jeux de hasard en France ; mais las, l'Union Européenne est passée par là. Ouverture, concurrence, et ... crise auront eu (en partie) raison de leur lobbying incessant : en l'échange, probablement, d'une absence de grognements des acteurs déjà présents sur le marché, l'Etat ouvre timidement à la concurrence en baissant les taxes ponctionnées sur les mises.
Oui, l'Etat baisse ses taxes : le taux de fiscalité sera de 7,5% des mises sur les paris mutuels hippiques et les paris sportifs à cote et de 2% sur le poker, seul jeu de casino autorisé, contre 9,5% appliqués aux paris hippiques et aux 14 % sur les paris sportifs, exploités aujourd'hui sous monopole par le PMU et la Française des jeux.
Du jeu, des armes et des rondeurs : que demander de plus ?
(Source de l'image)
Et déjà, on sent la sulfureuse action étatique en marche : on ouvre à la concurrence, mais l'idée, évidente, derrière, c'est que finalement, cette ouverture de marché va provoquer une augmentation des entrées d'argent. En tout cas, c'est le "pari" que prend Woerth. D'une certaine façon, on rejoint ici la pensée alter-étatique qui consiste à dire que la libéralisation, le libre-marché, c'est mal, c'est vilain, c'est la mort du petit cheval, sauf que bon, en temps de criiiise, on peut bien faire quelques petites entorses au dogme étatiste ; de la même façon que certains états américains envisagent sérieusement la légalisation de la marijuana, l'état français, poussé dans des retranchements financiers de plus en plus exigus, envisage les mains moites de prendre un risque en ouvrant un peu le marché du jeu en France...
Alors bien sûr, comme il ne faut pas effaroucher les poules communistes qui vont se faire bouffer par le renard étatique dans le poulailler régulé, on met bien vite en balance la présence lénifiante (voire léninifiante ?) d'une "Autorité de Régulation Indépendante" et d'une licence d'autorisation pour une période fixe. Personne ne pourra, comme d'habitude, assurer d'une façon quelconque que l'autorité sera bien indépendante, ou qu'elle régulera efficacement quoi que ce soit. Mais comme pour toutes les autres Hautes Autorités de Prospection d'Entrailles de Poulet et de Fouilles Minutieuse des Arrières-Trains Citoyens, on pourra utiliser son existence comme excuse si jamais un dérapage (réel ou fantasmé) est constaté.
En pratique, toute cette petite opération de communication peut se résumer à quelques éléments simples.
D'une part, l'état a un besoin maladif de thunes. Il n'y a plus aucun moyen d'en faire rentrer réellement, les citoyens sont pressurés au maximum et les contingences économiques globales rendent la créativité fiscale particulièrement périlleuse. Il faut donc faire un pari, et, de ce fait, avouer du bout des lèvres utiliser l'effet Laffer ; admirons au passage la duplicité et l'hypocrisie gluante de nos politiciens qui, correctement lobbysés des pieds à la tête, acceptent pour ce marché une baisse de taxes et ne sont pas foutus de comprendre que le même raisonnement peut s'appliquer en pratique à tout le reste.
D'autre part, l'ensemble de l'opération, aussi marketing soit-elle, ne peut cacher les autres jeux, en coulisses ceux-là, qui se déroulent encore pour que ce marché soit toujours lourdement règlementé et surtout, aux mains d'un nombre encore restreint d'acteurs. Certes, on ouvre, mais, comme noté plus haut, cela reste timide : on se contente du poker en ligne. Pas question d'improviser un petit site collaboratif et/ou collectif de joyeux joueurs d'argent sur le thème du black-jack, de la roulette ou de n'importe quel autre amusement en concurrence frontale avec les casinos. En clair, on reste bien en France : le corporatisme le plus verrouillé est de vigueur.
Enfin, après l'hypocrisie dégoulinante des politiciens qui comprennent bien l'intérêt d'une baisse de taxe, on constate une autre hypocrisie, où le cynisme se mêle à la morale douteuse à laquelle nos gouvernants nous habituent. En effet, le marché du jeux a été décrié depuis un moment puisqu'il entrainerait l'addiction de certains joueurs, compulsifs, aux nez desquels seuls la faillite et le caniveau peuvent pendre (et un caniveau qui pend au nez, je peux vous dire que c'est lourd à porter) : eh oui, la responsabilité des gens, voyez-vous, ça n'existe pas et l'état-maman doit veiller à ce que chacun de ses enfants-citoyens puisse éviter de se brûler avec des allumettes ou de perdre trop d'argent aux méchants jeux en ligne. Alors vite vite, on met en place plein de gentils garde-fous, des petites sécurités en mousse législative dense, des protèges-coins en polyuréthane juridique pour éviter que bébé-joueur ne fasse des bêtises avec sa cartounette de crédit :
Afin de prévenir les risques d’addiction, les joueurs seront d’abord limités dans leurs mises et l’approvisionnement de leurs comptes. Ils devront obligatoirement être titulaires d’un compte en banque en France. Et voir en permanence depuis combien de temps ils jouent et combien ils ont perdu. Avec la possibilité de s’auto-exclure à tout moment.
On pousse même la douillette intervention sucrée jusqu'à refiler, bonne conscience oblige, un petit pourcentage (0.02%) des mises aux associations étatiques ou para-étatiques de lutte contre cette terRRrible addiction. Mais, sans même s'en cacher, on souhaite finalement très clairement que le nombre de joueurs augmente. Voilà qui est parfaitement cohérent, et pas du tout ni cynique, ni hypocrite, hein. Jouer, c'est dangereux, ça crée de l'addiction, surtout que vous, joueurs, êtes globalement débiles et incapables de vous discipliner, mais, bon, on va tout de même ouvrir le marché.
Si c'est dangereux, pourquoi ouvrir ? Si ça ne l'est pas, pourquoi ne pas ouvrir complètement ?
Mais non, définitivement. Pour l'état, libéraliser de travers et partiellement, c'est simple, pas cher et ça peut rapporter gros.