Trésors du quotidien 5

Publié le 08 mars 2009 par Paniervolant




Bien évidemment elle était facile à trouver.

Bravo à :

  • Qing et René : http://belgique-chine.over-blog.com
  • Nathalie :   Nathalieandre@bluewin.ch




Il s'agit d'une série de cloches en bronze, Bulgarie, vers 1950.

Il existe en Bulgarie, comme dans le reste des Balkans, deux types de cloches pastorales : les cloches en fer, tjumbelek (tioumbélék) et les cloches en bronze, an (tchane).
Ces dernière que l'on voit ici, sont coulées dans des moules de taille décroissante à partir d'un alliage de cuivre et d'étain où entre parfois de l'argent (pour la sonorité disent les fabricants).
Par opposition aux cloches en fer, elles sont appelées les "claires" en raison de leur sonorité ou encore les "cuivrées".
Il s'agit de cloches doubles : le battant est lui-même une cloche du même modèle, plus petite et dépourvue de battant. La petite cloche est appelée glasnik (de glas, voix).
L'ensemble, fer et bronze, forme une série musicalement accordée appelée djuzen (diouzéne), d'un mot turc signifiant "série, rangée, progression". Une série comporte au minimum douze cloches doubles en bronze, censées produire une "mélodie".
Elles se succèdent par ex. du do d'une première octave grave au sol d'une octave suivante. S'y ajoutent, pour faire "la percussion", la même quantité ou un peu moins de cloches en fer.
Traditionnellement, chaque berger équipait son troupeau en fonction de sa sensibilité, de ses capacités musicales à choisir et à harmoniser les cloches entre elles, de ses moyens financiers également, car ces cloches étaient chères, notamment celles en bronze.
Si un berger possédait un troupeau de deux cent têtes d'ovins et/ou de caprins, il choisissait des cloches basses composant une quarte (do, ré, mi, fa) et portées par quatre mâles meneurs (béliers et boucs), tandis que les femelles portaient les plus légères (et plus aiguës), à raison de une cloche pour trois à quatre bêtes.
Il les sélectionnaient aussi en fonction des instruments de musique dont ils jouaient, flûtes et cornemuses, comme en témoigne les premiers vers de ce chant bulgare: Un ténébreux brouillard est tombé sur la montagne, sur la montagne, sur les sommets.
Ce n'était pas le brouillard mais Noyko le berger, Noyko le berger avec son troupeau gris, Neuf mille laitières et tout autant d'agneaux. Noyko marche au devant, suivi de Yougitch le meneur ; à son cou une cloche d'or. Noyko joue de sa flûte de cuivre, Yougitch fait tinter sa cloche d'or, accompagnant la flûte. L
'accordage des cloches à la flûte ou la cornemuse pastorale, disons plutôt la recherche d'un rapport musical car les cloches ne donnent pas de hauteurs vraiment stables, était également attesté en Turquie et en Grèce. Les cloches sont portées par les animaux pendant toute la période estivale et en général quand ils sont au pâturage.
L'hiver par mauvais temps, les animaux sont à l'étable, sans les cloches afin de ne pas les énerver inutilement. En effet, différents travaux de zoobiologistes ont prouvé que les sonorités claires et dynamiques des cloches avaient un pouvoir stimulant, outre celui de protéger les animaux en permettant au berger de les repérer et en éloignant d'eux les prédateurs. C'est en raison de ces propriétés protectrices et stimulantes, - les ethnologues parlent de fonctions apotropaïque et propitiatoire, que les cloches sont utilisées dans les mascarades qui caractérisent les rites de la fin de l'hiver, communes à l'ensemble de l'Europe. Appelées, en Bulgarie, kuker, pesiatsi ou autrement encore selon les régions, les hommes déguisés et masqués qui participent à ces mascarades ceignent leur taille d'une large bande de cuir à laquelle ils accrochent plusieurs cloches afin, par le vacarme qu'ils génèrent en sautant et en tournoyant, d'effrayer dit-on les esprits de l'hiver pour les chasser et laisser le champ libre au renouveau printanier.

  (
Par Marie-Barbara Le Gonidec, conservateur au MuCEM)