Je reprends ici le thème que j’avais développé en commentaire sur le nouveau blogue littéraire que vous connaissez sans doute déjà, les sept mains (blogue tenu à tour de rôle par sept écrivains parmi lesquels on retrouve Bertrand Redonnet, qui est un habitué de Marche romane et Marc Villemain qu’on a déjà croisé ici de temps en temps).
Faut-il, pour être qualifié d’écrivain, consacrer tout son temps à la littérature et en vivre ? On comprend bien que si on accepte cette définition, 90% des auteurs vont passer à la trappe car bien peu vivent exclusivement de leurs écrits (ou alors ce sont des auteurs qui ont un grand succès commercial et qui se vendent beaucoup, mais ce n’est sans doute pas là la meilleure littérature, on en conviendra. Et encore, je suis gentil, certains diront ouvertement que ce n’est pas de la littérature du tout).
Alors, un écrivain est-il quelqu’un qui ne fait qu’écrire mais qui ne vit pas forcément de ses livres ? Il pourrait, comme Gide ou Proust, être rentier ou bien dépendre des revenus d’un conjoint ou encore être entretenu par un parent. C’est vrai que dans ce cas, il dispose comme dans l’exemple précédent de tout son temps pour écrire. Mais le fait qu’il ait occupé ses longs loisirs en rédigeant des manuscrits plutôt que d’aller jouer au golf ne nous garantit en rien que ses livres seront de bonne qualité. Donc, il ne suffit pas d’avoir le temps et l’argent pour être un bon écrivain.
Faut-il, dès lors, mourir de faim dans sa mansarde et vivre en solitaire en dessous du seuil de pauvreté ? Un tel personnage qui aurait tout quitté par goût de la littérature forcerait forcément notre respect et c’est déjà une preuve qu’il se sent impliqué par l’écriture, mais est-ce une garantie de la qualité de sa production ? Non, évidemment.
D’ailleurs le même écrivain pourrait être par exemple au chômage et plutôt que de mourir de faim dans ladite mansarde, il pourrait tout de même s’offrir un plat de pâtes les vingt premiers jours du mois. Mais en serait-il davantage écrivain pour autant ? Non bien entendu.
Le problème de fond, c’est qu’on ne peut pas vivre de sa plume, sauf cas exceptionnel. Du coup, la majorité des vrais écrivains (ceux qui produisent des livres de qualité et que nous aimons lire) ont un deuxième métier pour survivre (parfois dans l’édition ou le domaine culturel, mais pas toujours. Il y a des enseignants, des journalistes, des employés, des animateurs d’ateliers d’écriture et des chômeurs même, comme nous l’avons déjà dit).
Mais du coup, cela complique notre recherche de définition de l’écrivain. Un professeur de lycée qui a publié deux livres est-il vraiment un auteur alors que toute son activité est concentrée ailleurs et que ses livres édités font figure de passe-temps ? Pourtant, s’il n’avait pas d’autre profession (et s’il vivait comme on l’a dit d’un héritage ou des revenus de sa femme) serait-il plus écrivain par le fait qu’il ne ferait rien d’autre ? On aurait tendance à dire que oui, mais on a vu que ce n’était pas une preuve de qualité.
Et celui qui n’a rien publié alors ? Il pourrait avoir quarante œuvres maîtresses dans ses tiroirs… Serait-ce un écrivain ? Non, il semble logique qu’il faille au moins être publié. Mais cela ne suffit pas. Il faut vendre un minimum, sinon cela reste de l’amateurisme. Mais il ne faut pas vendre trop non plus, sinon on va vous accuser de fabriquer des best-sellers, des ouvrages sur mesure, sans rapport aucun avec la littérature.
Mais si la profession, la publication, la vente et les revenus ne sont pas des critères suffisants, qui dira ce qu’est un écrivain ? Un amoureux des mots ? Mais qui ne l'est pas. Alors?