C’est une industrie en coma avancé qui s’est auto-encenser le 28 février 2009 à l’occasion des victoires de la musique. La rémanence d’un modèle culturel anachronique qui s’accroche à ses strasses, ses paillettes et ses privilèges. Une petite clique appuyée par un nouvel arsenal législatif qui veut survivre. Elle est déjà morte et ne le sait pas.
Jouant d’abord sur la corde émotionnelle grâce à une batterie de communicants. En effet, on prétend préserver les œuvres artistiques, les créateurs et autres balivernes crétinisantes. Il y a belle lurette que la fonction de directeur artistique a trépassé. Ne gardant que le titre, une légion de diplômés issus d’écoles de commerce usurpe les postes. On vend de la musique ou du cinéma comme on vend des yaourts. Les conséquences sont dramatiques pour le contenu. Le bon goût n’a jamais été universel dans le secteur, toutes les époques sont marquées par des niaiseries plus ou moins profonde. Il faut tout de même convenir que le format Star’Ac et ses clones relève de la production en série de produits acculturés. C’est ce modèle que défendent les majors et le ministère de la Culture. Loin de se poser la question de la dévalorisation symbolique, puis pécuniaire de l’”œuvre”, les professionnels du divertissement commencent par ériger des digues pour préserver leurs trains de vie somptuaire. Sans remettre en cause leur propre modèle de pompe à fric inepte et bêtifiant. Un adolescent qui écoute un fichier numérique d’une star préfabriquée n’accorde à cette chose que la valeur : Zéro. Non pas par conscience politique, culturelle ou militante, mais naturellement, il pressent que cela ne vaut rien et coûte cher.
La question de la rémunération des artistes semble aussi fossilisée. Il est indiscutable pour ce milieu qu’un artiste dit majeur doit jouir éternellement de mirifiques revenus. L’argent doit couler à flot dans ce microcosme. Pour sa propre crédibilité. Il suffit d’écouter un de ces parvenus parler de son activité et l’entendre bêler : “Que c’est un dur métier”. M.Mastroianni lucide lui, déclarait “On est là comme au centre du monde. Tous les gens ont beaucoup d’attentions pour vous, on vous apporte un café et un fauteuil, on vous demande si vous n’êtes pas fatigué - mais de quoi ? Vous vous apprêtez à tenir dans vos bras une femme superbe… Comment dire après ça que c’est un métier“. En réalité, ce n’est pas plus dur que la plupart des professions, mais il faut bien se justifier de cachets astronomiques.
Les robinets financiers se ferment inexorablement avec la fuite des recettes. Artistes et parasites en pâtissent. Difficile alors de continuer à étaler ses ostentations.
Le milieu du divertissement industriel vit en apesanteur. C’est sa raison d’être, faire croire au rêve. Le partage gratuit de fichiers ouvre une nouvelle ère que les analystes de flux financiers n’ont pas voulu anticiper. Un système qui vit sur des fondements archaïque et mercatique. Les internautes ont donné une valeur au don. C’est déplaisant. HADOPI ne fera que ralentir l’implosion. Et cela, au prix d’un nouveau tour de vis sécuritaire.
Il suffisait de subir la soirée des victoires de la musique sur France 2 pour percevoir la décadence d’un secteur industriel en complète reconversion. Images surannées, montage stroboscopique, lumières éblouissantes, monsieur loyal inculte, artistes jeunes déjà vieux. Tout ce microcosme est déjà mort, sauf A.Bashung.
Vogelsong - 6 mars 2009 - Paris