Les plus jeunes peuvent sourire ; mais oui, U2 fut bien il y a quelques années de cela (euphémisme) le plus grand groupe de rock du monde. Pour situer cela dans le temps, je dirais la fin des années 80, jusque les premières années des 90's. Puis ce fut le déclin, la lente et inévitable parabole d'un groupe qui se parodie à en devenir insupportable, qui transforme ses shows (toujours spectaculaires, cela oui) en longs marathons consensuels ( la faim en Afrique c'est pas bien, l'industrie du disque, tous des requins, nous c'est différents, on va " eat the monster before it eat us " comme souvent répété par un Bono affligé du syndrome du Méssie... ) et perd toute velléité créatrice. Ne m'en veuille les fans purs et durs de Bono and Co, comparer des albums comme " How to dismantle... " ou le bien fade " All that you can't leave behind " au génie de " Achtung baby " ou l'épique " Joshuah Tree " est faire insulte au talent de ces quatre irlandais. Le nouveau disque s'intitule " No line on the horizon " et une constatation s'impose dès la première écoute, il n'est pas parcouru par ce souffle créateur qui laissait l'auditeur conquis à vie, pas de pépite inoubliable comme " Where the streets have no name " ou encore " One ", que du redit et du besogneux, du bon sentiment et des petits cris d'orfraie de Bono qui couine d'un bout à l'autre du Lp pour remplir le vide menaçant. Ne soyons pas méchant, mais juste ; ce n'est pas non plus une totale catastrophe, il y a aussi des choses qui vaillent qu'on s'y arrête ( et on va le faire ) mais pour ce qui est de la couronne, du sceptre, il y a belle lurette qu'ils se sont envolés...
No line on the horizon s'ouvre avec le titre éponyme. Rien de bien nouveau, c'est du rock " right in your face, baby ", avec un jeu de guitare qui n'est pas sans évoquer " The Fly ", si vous y faîtes bien attention. " Magnificient " ressemble à s'y méprendre à un vieux titre du début des années 80, sans qu'on se sache jamais vraiment duquel il s'agit : un retour aux sources servi à la sauce moderne. Le meilleur morceau arrive en troisième place. " Moment of surrender " a tout du romantisme et du pathos typiques que U2 se complait à déballer lors de ses concerts ; c'est assez efficace et plutôt joli, même si à mille lieues du divin " Love is Blindness " par exemple. Je passe " Unknown caller ", photocopie insipide de l'époque " Unforgettable fire ", et saute directement à " I'll go crazy if don't go crazy tonight " qui a au moins le mérite de faire taper du pied et d'avoir une ligne rythmique clairement identifiable. Le single " Get on your boots " est du recyclage bourrin, pas très inspiré, un hybride " Vertigo/Discotheque " juste bon pour les matinales de nos piètres radios FM. " Stand up comedy " n'est pas mauvais, et possède même une fin de morceau pêchue qui est toutefois assez conventionnelle et déjà entendue. " Fez/Being born " est intrigant, assez chaotique, et hésite entre plusieurs voies sans jamais en choisir une seule, mais peut séduire justement pour son éclectisme. " White as snow " est une balade inoffensive et qu'on oubliera vite, et qui a un petit quelque chose de Extreme ( More than words, vous vous souvenez ? Les chœurs en moins, Bono en plus ). " Breathe " est anecdotique, une face B échouée sur cet album sans qu'on comprenne bien comment ( et repropose le son si typique, voire stéréotypée de la guitare de The Edge ). Le disque de clôt avec " Cedars of Lebanon ", Messie oblige. Introspection, ambiance atmosphérique, avec un Bono qui démarre la chanson comme un récit au coin du feu. Intimiste, et ma foi pourquoi pas, mais à ce petit jeu je préfère encore " If you wear that velvet dress " sur l'album " Pop ". Une fin mi figue mi raisin, pour ne pas dépareiller avec le reste.
Que dire en conclusion de ce nouvel album, si ce n'est que de toutes manières, il se vendra suffisamment pour entretenir la légende ( légende, mais plus réalité, attention au leurre ! ) de U2, bête à concerts bondés dans les stades, et groupe mythique de rockn'roll baby. Cela dit, quand j'écoute les commentaires extasiés de Brian Eno et Daniel Lanois quand à ce nouveau jet des irlandais, je me dis que la mauvaise foi, ça peut finalement toucher tout le monde. Un disque correct, sans plus, loin de mériter tout ce battage médiatique orchestré sur un nom, une trademark, une référence inépuisable et pourtant si fatiguée, U2. ( 6/10 : Et je suis gentil)