Je lisais l’entretien de Roselyne Bachelot dans LaCroix
et j’y ai trouvé des réflexions tout à fait pertinentes qui m’amènent à réviser
quelque peu mon jugement sur cette femme qui m’avait, jusqu’à présent, surtout
laissé l’impression de quelqu’un de colorée, bonne vivante, pleine de verve et
de spontanéité mais pas nécessairement à sa place dans une fonction
ministérielle comme la Santé.
J’ai apprécié particulièrement ceci sur le fameux « droit à
l’enfant » trop souvent évoqué: « Le droit à l’enfant est un terme
qui me choque profondément. Cela n’existe pas. Il n’existe qu’un droit de
l’enfant. Le « désir d’enfant », en revanche, me paraît légitime, on peut
le comprendre, quelle que soit la situation des personnes qui l’expriment.
Maintenant, est-ce à la société d’y répondre ? Là est toute la question.
»
J’ai apprécié également son approche de la question de la « mère
porteuse » lorsque Roselyne refuse de l’assimiler à de la pure assistance
à la procréation arguant du fait qu’il « ne s’agit pas que d’une question
médicale, mais également d’une question juridique … quel va être le statut de
l’enfant né avec les gamètes d’un couple, puis porté par une autre femme
?»
Elle évoque également l’ambigüité face à la question financière et rappelle
la nécessaire gratuité du don « … la gratuité du don est, pour moi, un
point non négociable. »
Par contre, là ou je ne la suis pas du tout Roselyne, c'est lorsqu'elle se
prononce en faveur de la levée de l’anonymat des dons de gamètes
(spermatozoïdes et ovocytes), au nom du droit à la connaissance de ses parents
biologiques. Ce point fait partie des sujets qui seront discutés dans le cadre
de la révision des lois de bioéthique.
Or, il s’avère que ce sujet, maints fois évoqué depuis quelques années, a
été le thème d’un de mes premiers billets sur ce blog. Je me permets donc de
vous renvoyer vers ce que, légèrement énervé, j’écrivais déjà en octobre
2006:
__Ici__
Je suis toujours fondamentalement en accord avec ce que j’écrivais il y a 2
ans et demi. Je rajouterai seulement quelques éléments supplémentaires suite à
des lectures postérieures à ce billet:
Lever l’anonymat risque de changer fondamentalement la nature du
« geste » du donneur (non, non n’imaginez rien d’obscène). On passe
d’un geste qui relève du don « gratuit » et définitif (c'est-à-dire
sans suite), à un acte responsable et impliquant !...Le donneur pourra voir
débouler à n’importe quel moment de sa vie, le résultat de son offrande
!
Sachant cela, on peut légitimement supposer que le nombre de donneurs sera
moins élevé et qu’ils n’auront pas nécessairement les mêmes motivations !
…peut-on encore parler de don désintéressé ?»
Cela ne deviendra t'il pas une manière de faire un enfant par procuration
sans en assumer la responsabilité !
De plus, en introduisant dans le couple parental, une troisième personne au
statut nécessairement ambigu au moins pour l’enfant, ne risque t’on pas de
perturber «l'équilibre familial» ?
L’enfant ne risque t’il pas de se comparer à son père biologique, de
chercher et donc de trouver ou d’imaginer, une ressemblance, des points communs
qui l’amèneront à vouloir en savoir encore plus et à créer une relation avec ce
vrais faux père au détriment de celle qu’il a ou devrait avoir avec son
père.
Et puis, déjà qu’il ne doit pas être facile pour un père
« d’avouer » à son enfant que du fait d’une insuffisance il n’est pas
celui qui a fécondé sa mère, ce n’est pas la levée de l’anonymat qui va
faciliter cette démarche. En conséquence, le risque est grand que les parents
cachent cette information à leur enfant…qui du coup ne s’en portera pas plus
mal !
Enfin, je m’interroge sur les réelles motivations de ceux qui affirment
comme essentiel de connaitre leurs origines !
Je lisais dans
Le Figaro.fr, un entretien d’Arthur Kermalvezen, militant du droit de
savoir, et auteur de « Né de spermatozoïde inconnu » paru en
2008.
Arthur Kermalvezen est né après une insémination artificielle avec sperme de
donneur et il ne supporte pas de ne pas connaitre son géniteur :
« Se construire avec des origines troublées est très dur. Comment
grandir sereinement quand on ignore tout de son géniteur, quand on sait
qu'on ne ressemblera pas au père qui vous élève ? Ce qui me révolte
le plus aujourd'hui, c'est que je veux devenir un père de famille et que je
vais devoir transmettre cet anonymat. Je suis en psychanalyse depuis cinq
ans. »
« quand on sait qu'on ne ressemblera pas au père qui vous
élève ? » !!!!…je ne voudrais pas faire de la psychologie à 2 sous
mais je dirais que ce garçon a un problème avec son père (je parle de son père
juridique bien entendu).
De quelle ressemblance parle-t-il, de la ressemblance physique ? …si
c’est le cas, est-ce si gênant que cela justifie une psychanalyse ? Une
différence de caractère, de personnalité ?...mais il faut lui expliquer qu’être
le fils de son père ne fait pas vous un clone, qu’un enfant est le résultat
d’un savant mélange de caractéristiques génétiques du père et de la mère !
Il faut lui expliquer que les ressemblances ou divergences ne sont pas toutes
un effet de la génétique et que les relations père/fils lorsqu’elles sont
« normales » favorisent le rapprochement des personnalités et des
caractères ! Enfin, il faut lui expliquer que ressembler à son père n’est
pas une nécessité !!!
Et à la question : « Justement, que vous apporterait le fait de
connaître votre géniteur ? »
Il répond : « Par exemple, connaître les éventuels problèmes
liés à une maladie génétique. J'ai appris il y a seulement trois mois que
j'avais une allergie génétique. Et demain, je vais apprendre quoi ? Et
puis on a besoin de donner une figure à ce fantasme qui peut vous hanter toute
une vie. Je passe sur les problèmes moraux. Qui me dit, si j'épouse une fille
conçue par IAD, que ce n'est pas ma sœur ? On est en train de faire une
jolie tambouille… »
Voilà quelqu’un qui est engagé dans une longue psychanalyse parce qu’il ne
connait pas le donateur du sperme dont il est issu, qui milite férocement pour
faire lever l’anonymat des donneurs et qui justifie son mal être par l’absence
de visibilité sur d’éventuelles maladies génétiques dont il pourrait
éventuellement souffrir ou parce que, par erreur, il risque d’épouser sa sœur
!!!!
Je ne veux pas généraliser ce cas précis mais les raisons évoquées ne
m’apparaissent guère convaincantes !
De surcroit, il faut relativiser, en précisant que selon les psychologues
ainsi que Jean-Luc Bresson (Président de la Fédération nationale des Centres
d'études et de conservation des œufs et du sperme (Cecos)), les enfants qui
éprouvent des difficultés relatives à cette problématique "ne sont pas
représentatifs de l'ensemble des enfants d'un don".
Fort heureusement, beaucoup réagissent comme Christophe
(là) : «tout comprendre et maîtriser des origines, c'est n'importe
quoi : un donneur n'est qu'une poignée de spermatozoïdes, pas celui qui
nous élève !»
Oui, c'est bien ça, une poignée de spermatozoides !