Rejoice Ngwenya, le 6 mars 2009 - Le Président du Zimbabwe Robert Mugabe est sans doute un des hommes les plus chanceux en vie aujourd’hui, pouvant partager le pouvoir avec les forces progressistes démocratiques alors qu’il devrait croupir à l’ombre. Il doit sa chance à des millions de zimbabwéens qui semblent l’avoir pardonné, et ce, malgré un règne politique de trente ans qui a entrainé pour beaucoup le chômage, la pauvreté, la famine, la maladie et la mort. En dépit de la miséricorde de son peuple, et en dépit des erreurs manifestes de ses cabinets, le dictateur pérore toujours sur les podiums, tenant un discours qui défie la logique et nie la réalité.
La première réalité que refuse Mugabe est que c’est la réforme foncière fatale de son administration qui a décimé nos réserves stratégiques en céréales. Ses amis ont simplement pris possession des terres des fermiers, les ont laissées à l’abandon, exigeant la gratuité de produits intermédiaires agricoles qu’ils revendaient ensuite au marché noir. L’homme au centre de ce désastre, Gideon Gono, demande aujourd’hui un « audit » concernant le matériel agricole qu’il a fait distribuer, de manière à consolider la position de Mugabe, ce qui pourrait l’exonérer de ses forfaits. Le fait qu’un homme puisse demander un audit de ses propres transgressions à la justice dépasse bien sûr l’entendement.
La deuxième réalité rejetée par le leader zimbabwéen c’est qu’en continuant de déposséder les fermiers blancs et de violer les droits de propriété, il sape toute possibilité d’attirer des partenariats stratégiques pour reconstruire le Zimbabwe. Les Investissements Directs Etrangers ne peuvent fleurir dans des contrées où les normes universelles des droits de propriété sont tout simplement ignorées.
De manière ironique d’ailleurs, si Mugabe est le premier de la classe en matière de violations de droits de propriété en Afrique australe, il a bénéficié de la complicité indirecte du MDC, le Mouvement pour le Changement Démocratique. Pour avoir été directement impliqué dans des dossiers sur la « constitutionnalisation » de la réforme des terres au Zimbabwe depuis 1999, je peux confirmer que la ZANUpf de Mugabe comme les deux formations du MDC n’ont en fait pas de vision cohérente des droits de propriété.
L’obsession paranoïaque de M. Mugabe à récompenser ses amis en confisquant les fermes des blancs est bien connue. Mais la tragédie est en effet que Morgan Tsvangirayi et Arthur Mutambara ne semblent pas si éloignés de la position de Mugabe sur la question de la réforme foncière puisque selon eux : « la propriété foncière, c’est à dire, les droits de propriété dans le secteur agricole commercial, ne peut pas revenir au 'statu quo' ». Malheureusement le Gouvernement d’Unité Nationale (GNU) ne gagnera jamais de crédibilité internationale sans une reconnaissance claire des droits de propriété, et cela passe inévitablement par la restitution de la propriété légitime des fermes aux blancs.
Tsvangirayi, Mutambara, Welshman Ncube et Tendai Biti veulent éviter « un retour de bâton politique sur le front intérieur ». Il y a peut-être du politiquement correct dans ce jugement, mais il est erroné. Il y a bien sûr un débat historique sur la colonisation, mais qui n’est pas véritablement un point de départ ni crédible ni opportun pour la réforme foncière d’aujourd’hui : pour le dire de manière abrupte, le fait que C.J. Rhodes ait violé ma grand-mère en 1890 ne me donne pas le droit de violer sa petite-fille en 2009. Les terres ont été valorisées par les fermiers, blancs généralement. Un retour à l’état de droit commande la restitution des fermes dont ont été exproprié les citoyens zimbabwéens blancs et noirs, sous couvert d’une arnaque constitutionnelle menée par le ZANUpf prétextant la défense de la justice sociale.
A ce propos, Mugabe et le ZANUpf sont peu qualifiés pour définir les règles de la justice naturelle. En massacrant de sang froid 22 000 Ndebeles dans les années 1980 et en faisant subir l’oppression à leur peuple depuis trente ans, ils n’ont en effet pas véritablement d’arguments solides en la matière. Le MDC n’a donc pas à craindre d’être jugé par les standards de justice de groupes pour le moins très douteux.
Le Zimbabwe n’a pas besoin d’aide internationale, mais d’ouverture internationale, aux capitaux étrangers. Dès lors, sa réputation internationale pour attirer les IDE repose sur le respect des droits de propriété. La sympathie et le soutien internationaux ne pourront être conquis que si le MDC se range du bon côté. Mais même si ce changement est accompli au MDC, tant que Mugabe continue de s’entêter sur la question, les efforts de Tsvangirayi et Mutambara pour une reconstruction de ce pays dévasté d’Afrique australe demeureront stériles.
Rejoice Ngwenya dirige la Coalition for Liberal Market Solutions à Harare et chroniqueur sur www.AfricanLiberty.org.