Contes de l'ordi sacré : Logarithme et Monogramme 6

Publié le 06 mars 2009 par Porky

Episode 6 : Où la Belle Monogramme révise son opinion sur les Princes Charmants mais pas sur les Chevaliers Masqués.

...surtout... ce que vit la Belle Monogramme lui ôta -pour quelques instants- l'envie de parler. Bibendum 1er était redevenu l'aimable jeune Prince qui l'avait charmée lorsqu'elle avait jeté son premier regard sur lui. Et le spectacle qui s'offrit à elle, bien que court dans sa durée, lui fit instantanément oublier toutes les insanités que Logarithme lui avait lancées auparavant.

La malédiction ayant disparu, le Prince Charmant avait retrouvé son physique attrayant et originel ; mais, hélas pour lui, ses vêtements trop élargis ne tenant plus, il s'étaient écrasés à terre et notre beau héros se retrouvait dans la même tenue que notre père Adam, la feuille de vigne en moins. « Peste ! Fichtre ! s'exclama Monogramme, enchantée. Mais ce Prince me parait finalement fort intéressant ! » Logarithme avait pourtant eu un prompt réflexe et avait en toute hâte relevé son pantalon. L'œil de Monogramme avait toutefois été plus rapide que lui. « Ne pars pas, idiot ! » s'exclama la Princesse en le voyant courir (ou essayer de courir) vers son splendide château. Mais Logarithme ne fut plus bientôt qu'une silhouette confuse qui fonçait vers la porte de la terrasse. « Je vais traverser cette ex rivière en moins de deux, songea Monogramme. Il dit de grosses âneries, mais dans certaines circonstances, on ne leur demande pas de parler. Finalement, vu la tournure que prennent les événements, ce conte n'est peut-être pas si débile qu'il en a l'air. »

La Belle Monogramme avait déjà relevé le bas de sa robe de Princesse de conte de fée parce qu'elle ne tenait pas à en tacher l'ourlet avec les résidus de sang impur qui maculaient encore les pierres du lit de la rivière lorsque le Chevalier Masqué réapparut. « Que faites-vous, ô Belle Monogramme ? » demanda-t-il. « Comme tu le vois, je ramasse des haricots », répliqua courtoisement la Princesse. Le Masqué sentit une vague ironie sous cette réponse. Il fit semblant de l'ignorer. « J'ai eu une idée pour traverser, continua-t-elle. Pas fameuse je l'avoue, et sans doute dangereuse, mais c'est le seul moyen. » La Belle Monogramme lui adressa son sourire le plus éclatant. « O Masqué chéri, s'écria-t-elle, aurais-tu besoin de lunettes ? » Le Chevalier parut fort offensé. « Pourquoi me demandez-vous cela, Princesse ? Si c'est pour me faire remarquer que je suis nettement plus vieux que vous, point n'était besoin d'avoir recours à cette question métaphorique. Il suffisait de le dire franchement. Oui, je suis très mûr, et alors ? » « Alors, je m'en balance, crétin rédhibitoire et sénile, dit Monogramme. Tu n'aurais rien remarqué, par hasard ? » « Et qu'aurais-je dû remarquer, Belle Monogramme, vous prie-je, rétorqua le Chevalier, à part le fait que vous me montrez vos jarrets -fort beaux, au demeurant ? » La Princesse poussa un soupir d'exaspération. « M le Maudit signifie certainement Moule à tarte maudite, dit-elle. N'as-tu point vu, Ô Demeuré, qu'il n'y a plus de rivière et qu'on peut traverser à gué ? » « Tiens, c'est vrai ! s'exclama Le Chevalier Masqué en découvrant l'absence du sang impur. Je n'avais pas fait attention. Donc, mon idée devient inutile, et ça, ça m'arrange beaucoup. Elle était nullissime. » La Belle Monogramme jugea inutile de souligner la dernière affirmation par un « comme toi » qui eut pu être mal pris. Tournant le dos au Chevalier, elle avança un pied vers une pierre puis le reposa immédiatement sur la rive. « Au fait, dit-elle, soudain soupçonneuse, c'est quoi cette histoire de M le Maudit ? Si tu es venu m'assassiner, je t'avertis que tu vas avoir affaire à forte partie. » Le Masqué la regarda, profondément choqué. « Enfin, Princesse, ai-je un masque d'assassin ? » rétorqua-t-il, profondément vexé. « A première vue, non, admit Monogramme. Mais on ne sait jamais. M, cela ne veut pas dire « murder » ?  « Mais non ! s'exclama le Chevalier, de plus en plus irrité. C'est l'initiale de mon prénom. » « Maurice ? » suggéra Monogramme. Le preux Chevalier se racla la gorge et prit l'air le plus fier qu'il put trouver dans sa panoplie. « Non, dit-il en assurant sa voix. Je m'appelle Myxomatose. »

La surprise rendit la Princesse de conte de fée muette quelques secondes ; puis un tel fou rire s'empara d'elle que le Chevalier en devint écarlate sous son masque. « Ca va ! gronda-t-il. Si vous croyez que Monogramme, c'est mieux !... » « Oui, mais au moins, je n'ai pas les yeux rouges », rétorqua la Princesse, hilare à en être malade. « Continuez comme ça et je vais vous griffer ! » avertit le Chevalier, au comble de l'humiliation. Immédiatement, le rire de Monogramme se brisa. Elle recula prudemment. « Ah non ! s'écria-t-elle. Pas de zébrures incongrues sur ma belle peau ! Je te présente mes plus plates excuses. Mais pourquoi es-tu masqué ? » « Pour que vous ne me reconnaissiez pas au cas où je vous connaîtrais », fut la réponse. « Je ne pense pas te connaître, dit Monogramme, convaincue. Je n'ai jamais fréquenté les asiles d'aliénés. » Puis elle se frappa tout à coup le front. « Mais je parle, je parle, et j'ai franchement autre chose à faire. Avec tes stupidités, tu m'as fait oublier l'essentiel. Logarithme, j'arrive ! » Et légère et long vêtue, elle bondit comme un cabri de pierre en pierre et parvint sans problème sur la rive opposée. « Et je fais quoi, moi ? » demanda Myxomatose, décontenancé par ce départ si soudain. « Tu attends ! cria Monogramme. Aussi bien, c'est ce que tu sais le mieux faire. » Et elle courut vers la terrasse du splendide château, gravit les escaliers en courant et pénétra dans le refuge de Logarithme.

Myxomatose le Masqué eut bien voulu suivre la Belle Monogramme mais vu l'allure que cette dernière avait prise, notamment lors du sprint final sur la terrasse, elle était déjà hors de sa vue alors qu'il n'avait toujours pas commencé à essayer de traverser sans se retrouver dans une flaque de sang impur. Il se sentait un peu inutile mais ce rôle, ou plutôt cette absence de rôle, au fond, ne lui déplaisait pas. Puisque la Princesse tenait à se débrouiller toute seule, ma foi... Aussi prit-il son temps pour parvenir sur la rive du Domaine Enchanté. Il trouvait l'endroit charmant et se disait qu'une bonne sieste, au pied d'un arbre, serait une façon fort agréable de passer le temps. Alors qu'il allait mettre ce séduisant programme à exécution, un fier destrier vert fit son apparition de l'autre côté de la rivière tarie, portant sur son dos les deux héroïnes du conte précédent, toujours exaltées, mais ayant remplacé leurs « youkaIdi, youkaïda » par un chant tout à fait approprié aux circonstances et fendant l'air de guerriers « Monogramme, nous voilà, nous venons t'redonner l'espérance... »

Uno n'en faisait parfois qu'à sa tête, on s'en souvient ; aussi négligea-t-il de s'arrêter sur l'autre rive et traversa-t-il au grand galop, secouant comme des pruniers Dame Marsupilania La Vaillante et gente Damoiselle Multimédia la Stressée, cavalières certes émérites mais un peu empruntées et la course folle du destrier s'acheva par un crash lamentable qui aurait pu avoir de funestes conséquences si notre Chevalier Masqué n'avait pas été là pour amortir les chutes. Alors que ces dames se relevaient, un peu contusionnées, mais saines et sauves, le pauvre Myxomatose resta sur le carreau, proprement assommé. « Mince, qui est-ce, celui-là ? » s'enquit Multimédia, très ennuyée, parce que ce n'était pas son genre de finir dans les bras d'un parfait inconnu. « Ce doit être le fameux M le Maudit dont nous a parlé Monogramme, répondit Marsupilania. Enlevons-lui son masque ridicule et voyons à quoi il ressemble. » Mais le Chevalier ouvrit les yeux au moment où notre héroïne se penchait sur lui. Il poussa un hurlement strident et tendit les bras en avant, comme pour repousser une horrible vision. « Ne me touche pas, démon ! » cria-t-il et il se redressa. « Quoi, démon, quoi démon ? rétorqua Marsupilania, hautement indignée. C'est à moi que tu t'adresses ainsi, larve poussive ? » « Je sens des intentions extrêmement négatives à mon égard, dit le Chevalier. Tu veux connaître mon identité, et ça, c'est absolument hors de question. » « Mais pourquoi ? » interrogea naïvement Multimédia. « Je ne sais pas, lui fut-il répondu. Décision de l'auteur. Je n'y suis pour rien. »  Pendant que le Chevalier s'écoutait parler, Marsupilania le regardait fixement, l'air songeur et sévère. « Ta voix me dit quelque chose, murmura-t-elle. Je l'ai déjà entendue quelque part. » « Sûrement pas, affirma Myxomatose. D'abord, parce que je l'ai changée et ensuite parce que je ne t'ai jamais vue. » La discussion aurait pu durer longtemps si Multimédia n'y avait mis un terme par un cri perçant. Elle venait d'apercevoir, à demi dissimulé derrière un massif de fleurs son écran d'ordinateur. Qu'est-ce qu'il faisait là ? Elle se précipita vers l'objet en question et l'examina sous toutes les coutures. Il était encore plus mal en point qu'auparavant. « Ah, toutes ces aventures l'ont fait mourir définitivement, se lamenta-t-elle. Je n'ai plus d'écran. Comment vais-je faire, maintenant ? » Mais Marsupilania estima qu'ils avaient tous perdu suffisamment de temps à raconter des inepties. Aussi déclara-t-elle qu'ils devaient pénétrer dans le château afin de retrouver Monogramme et que les histoires d'identité du Chevalier et de l'écran décédé de Multimédia trouveraient leur dénouement plus tard. Ainsi fut-il fait et nos trois énergumènes entrèrent dans le splendide château.

(Que vont-ils trouver dans le château ? Monogramme a-t-elle réussi à rejoindre Logarithme ? Le malentendu initial va-t-il se dissiper ? Et qui est réellement Myxomatose, le Chevalier Masqué ?... On le saura bientôt...)