A l'origine, j'avais croisé Mathilde par hasard dans la rue et j'avais bien flashé sur son look et son sac en toile vernie rose poudre (voir le look). Après avoir discuté puis s'être recontacté, nous nous sommes revus dans la petite boutique de Margo Millin pour cet entretien qui parle du lancement d'une nouvelle marque, de stylisme et bien sûr de sa collection.
J’ai toujours baigné dans un milieu artistique. Ma mère est artiste peintre et créais des motifs pour les textiles. Depuis toute petite, j’ai été attiré par les accessoires, après avoir travaillé dans la communication je me suis tournée définitivement vers le stylisme.
J’ai alors pris des cours du soir puis je suis partie à l’Institut Européen du Design à Barcelone. Cela a été un peu le déclic car je me suis enfin sentie à ma place. Après un bref passage chez Marc Labat pour la maroquinerie et les accessoires j’ai décidé de lancer ma propre marque.
Comment s’est passé le démarrage ?
Tout a commencé en Janvier 2008 , après la création et l’élaboration de ma 1ère collection j’ai rencontré des fournisseurs et fabricants qui m’ont permis de passer de l’idée à la concrétisation de celle-ci.
C’est en septembre 2008 que j’ai fait découvrir ma collection au grand public par un 1er salon à Londres et peu de temps après aux professionnels par le salon Paris sur mode.
C’est le point de départ d’une jolie aventure.
Quel est l’univers de ta collection ?
La musique m’a toujours beaucoup inspirée. Chaque sac provient d’un univers musical différent. J’ai eu l’idée du sac chamali lors d’un voyage au Maroc. Avec ce sac, j’imaginais une ambiance hippie revisité, le tout porté par une musique à la Janis Joplin.
Le sac LA est inspiré des peaux de tambours et cela a naturellement dévié vers les vinyls et leur univers rock. Ce qui m’amuse, c’est qu’un jour où je le portais à une expo, une nana vient vers moi et me fait : « Alors tu travailles dans la musique ? Tu es batteuse ? ». Je suppose que l’univers du sac est assez explicite…
Le Bonne Maman est un hommage à ma grand-mère à qui j’ai dévalisé tous ses trésors. C’était un petit sac qu’elle avait que j’ai remixé. Sur Bonne Maman, je pensais au Cabaret Chantant. Il a un côté très années 20.
Le sac Parigot est inspiré des paniers de marché en osier. J’ai voulu le revisiter de façon moderne en rajoutant des bandes de cuir contrastées.
Tu parles beaucoup de musique dans ton univers, est ce qu'il y a un groupe qui t'inspire particulièrement aujourd'hui ?
Nous avons choisi avec Doris (une amie, graphiste et photographe) de shooter les sacs dans un milieu musical clin d’œil au sac LA et au reste de la collection. Notre choix s’est porté sur le studio d’amis musiciens Les Gush, groupe parisien pop rock à découvrir absolument si vous ne connaissez pas…émotions garanties. En ce moment j’écoute des groupes comme Lykke li, Herman Dune, Cinematic Orchestra pour ne citer qu’eux…
Qu’est ce qui caractérise tes sacs ?
Je suis très attentive à l’aspect pratique des sacs que je conçois, il doit vivre avec celle qui l’achète, s’adapter aux besoins, être très pratique. Par exemple, le sac LA a un double porté : tu peux le porter en rond ou en besace ce qui en fait un double sac. En forme besace, j’ai rajouté un zip pour que tu puisses atteindre l’intérieur facilement. Pareil pour le Parigot où tu peux ajuster l’ anse pour le transformer en porté épaule.
Je joue aussi beaucoup avec les couleurs, j’ai finalement assez peu de noir. Cela vient peut être des tableaux de ma mère. Le bleu que j’utilise apparaissait souvent dans ses peintures. Bien sûr il est vrai que les accessoires en noir se vendent plus facilement , bien que le bleu et le gris se vendent relativement bien cette année. Les autres couleurs de ma collection s’adapte à toutes les saisons. Finalement c’est très british de porter des sacs de couleur flashy, les français osent moins cependant les goûts évoluent. Je suis très soucieuse du détail, et de la qualité de mes produits, même à mon niveau de jeune styliste, je choisis et contrôle tout moi-même et ai choisi de faire fabriquer mes produits en France.
Créer un sac, c’est l’art de trouver l’équilibre entre le pratique et l’esthétique.
Pourquoi fabriques tu tes produits en France ?
J’ai trouvé des fournisseurs de confiance et de cette façon je suis assurée de la qualité de mes produits. Par ailleurs, c’est également un argument de ventes mais c’est finalement plus important pour les clients étrangers que pour les français. Bien sûr, il y a aussi des français qui y sont sensibles, surtout en ce moment. Mais d’autres ne regardent que le prix. Dans ce cas, c’est difficile car produire en France est toujours plus cher. On est moins concurrentiel par rapport à d’autres marques.
Comment est ce tu travailles une collection ?
Je m’attache surtout à des détails piochés dans la rue, les films, la peinture, l’architecture, mes voyages, les ambiances, toute forme de création ou autre qui dégage une émotion. Il n’y a pas forcément de pure création. La création consiste plus à exprimer, mélanger différents univers, pensées, idées que l’on adapte à sa vision présente. Aussi, j’ai toujours un petit carnet sur moi pour noter mes idées. Il peut m’arriver d’être dans un bar avec des copines et de m’interrompre parce que je dois absolument dessiner quelque chose qui m’a traversé l’esprit. Cela peut partir de n’importe quoi : un détail, une parole, un personne, une musique qui retient mon attention, me touche. Ensuite, je retravaille toutes ces idées au calme.
Quelles sont les difficultés auxquelles on est confronté lorsqu'on se lance ?
Plusieurs activités se juxtaposent, le patronage va de paire avec la création, le choix des matières + accessoires et la production est la 2ème étape. Cela débouche sur le produit fini qu’il faut à présent faire vivre par la communication et la commercialisation. Il va s’en dire que les bracelets wonder woman ne sont pas si efficaces que je l’avais prévu. C’est pourquoi je crois qu’il est essentiel de savoir et surtout de pouvoir bien s’entourer. La période n’est peut-être pas propice pour lancer une marque mais c’est une aventure passionante à laquelle il faut laisser sa chance.
Il faut bien garder en tête que c’est une course de fond, pas une course de vitesse. Quand je regarde le chemin parcouru, je me dis que c’est déjà beaucoup. On a tendance à l’oublier à force de regarder vers l’avant.
Est-ce que tu as fais des rencontres qui t’ont aidé ?
Une des rencontres importantes est celle avec Margo Milin car elle m’a permis tout de suite d’avoir un endroit pour montrer mes produits au grand public.
Je fais tout le temps de nouvelles rencontres, c'est un des côtés très sympa du lancement d’une marque.
Qu’est le profil de ta cliente ?
C’est assez diversifié. Il y a vraiment un peu de tout : des nanas jeunes et plutôt rock vont acheter un sac LA. Mais une femme plus classique pourra acheter le même sac et le porter différement , et c’est ce que j’aime. Je trouve que le vrai plaisir pour une styliste qui vient de lancer sa marque c’est que votre création existe en tant que tel lorsqu’une personne l’adopte, le porte… j’ai eu la chance de pouvoir croiser par hasard un de mes sacs sur une nana.
Où peut-on acheter tes produits ?
Je suis distribuée au Japon et en France et j’espère bientôt en Angleterre. En France, on peut les acheter chez Margo Milin, My Family, Liza Korn, Anis les filles à Paris et Two Cour à Perpignan.
Est il nécessaire pour une jeune styliste de se développer à l’international ?
C’est indispensable, les étrangers sont friands des créations françaises beaucoup plus que les français. Profitons de cet accueil !!
Comment va évoluer la collection ?
Je vais bien sûr continuer à faire vivre ma collection. Pour l’hiver prochain, je prévois deux nouveaux modèles supplémentaires. Je vais également sortir des pochettes liées aux sacs. Après je voudrais bien réaliser des bijoux liés au travail du cuir et des foulards. Idéalement, si je pouvais, je ferais des chaussures et aussi du prêt-à-porter. Je me dis toujours tiens il me faudrait une veste comme ça pour porter ce sac… Mais chaque chose en son temps. Le problème n’est pas d’avoir des idées mais de pouvoir les réaliser.
Quel est ton designer préféré ?
J’aime beaucoup Alexander McQueen pour ses designs, son univers et la mise en scène qu’il crée à chaque collection. Il avait fait un défilé sur la nature qui était absolument féérique. Il transporte les gens dans son univers. Tout le travail réalisé sur les pièces est juste extraordinaire. Et je rendrais un immense hommage également à Worth c’est lui qui a ouvert la voie aux créateurs de mode.
Aurais tu des adresses modes à recommander ?
Mon endroit favori est la librairie Ofr de la rue du Petit Thouars (cf post). Côté mode, il y a bien sûr la boutique de Margo Mllin (36 rue du Bourg Tibourg 4e), Mes Demoiselles… (45 rue Charlot 3e), Liza Korn (19 rue Beaurepaire 10e). J'aime beaucoup aussi My Family (11 rue Mayet 6e).
Enfin, que conseillerais-tu à quelqu’un qui veut faire du stylisme?
Quand on a une passion quel qu’elle soit, il est important de répondre à cet appel malgré tous les défis que cela peut représenter. Il faut foncer !!!
Par rapport à mon parcours, je n’ai pas commencé par le stylisme mais tout ce que j’ai fait auparavant me sert aujourd’hui dans tous les aspects de mon travail et je suis très contente d’avoir choisi d ‘écouter ma passion.
Les créations Mathilde 2C sont vendues chez Margo Millin (36 rue du Bourg Tibourg 4e), My Family (11 rue Mayet 6e), Liza Korn (19 rue Beaurepaire 10e), Anis les filles (19 rue Houdon 18e) et Two Cour (9 Rue St Jean à Perpignan).
Mathilde 2C participera au salon des jeunes créateurs Paris Sur Mode du 7 au 9 mars (Hotel Westin, 3 rue de Castiglione Paris 1er).
Merci à Mathilde pour cet entretien !