Un excellent album,Le Volume du Vent, une tournée Française : Karkwa, concurrents plausibles et francophones de Radiohead, est à (re)découvrir ici avec un clip, trois vidéos live et une interview.
Ils sont déjà grands au Québec, et devraient bientôt, dans un Monde juste, conquérir quelques masses de cœur de ce côté de l’Atlantique. Karkwa, avec ses faux airs de Radiohead ou de Noir Désir mais porté par une forte personnalité propre, Karkwa avec ses chansons neigeuses, ses envolées célestes, ses angles aigus, sa production brillante et complexe, ses textes courageux en Français, est un excellent groupe.
Son nouvel album, Le Volume du Vent, suite encore plus aboutie des Tremblements s'immobilisent, sort ces jours-ci en France, après avoir joliment cartonné au Québec –un Juno, équivalent de nos Victoire de la Musique, leur semble promis. Grands sur scène, ils entament une tournée dont vous trouverez les dates ci-dessous.
Karkwa est, pour ceux qui ne sont pas encore amoureux, à découvrir ici-même avec le clip d’Echapper au sort et trois vidéos live exclusive. Les Québécois sont également à lire avec un interview de leur chanteur Louis-Jean Cormier. Et un concours est également en ligne, avec 10 exemplaires du très beau Le Volume du Vent à gagner.
En tournée : 10/3 Dijon, 11/3 Alençon, 12/3 Paris, Maroquinerie, 14/3 Genève, 17/3 Clermont-Ferrand, 18/3 Laval, 19/3 Rennes, 24/3 Bourg-en-Bresse, 25/3 Lyon, 27/3 Metz, 4/4 Marmande, 5/4 Morlaix
Interview : Louis-Jean Cormier Karkwa
Comment définirais-tu le groupe ?
Au Québec, on est qualifié de groupe alternatif ; on est un peu en marge, on ne fait pas une musique très populaire ou commerciale. Nous sommes décrits comme un groupe de rock atmosphérique ; ça comprend beaucoup d’influences, autant des groupes britanniques comme Radiohead que Noir Désir en France. Et il y a chez nous un certain bagage poétique qui vient de la chanson québécoise, de gens comme Felix Leclerc ou Gilles Vignault. Mais nos influences sont larges : on écoute autant des gens comme Philip Glass que les Beatles... On se promène un peu partout, et je pense que ça se ressent un peu dans notre musique. On peut aussi dire de notre musique qu’elle est nordique –l’influence du climat, notamment. Et nos influences viennent aussi des groupes qui nous entourent : on est comme une petite communauté au Québec, on joue souvent avec nos amis, des gens comme Malajube, Patrick Watson. Les idées et les influences s’échangent.
Tu penses donc qu’il y a toujours une scène montréalaise très active ?
Oui, clairement. C’est quelque chose d’un peu générationnel, et je ne sais pas combien de temps ça peut durer. Il y a un buzz, des groupes qui peuvent percer à l’international. Nous on s’en fout un peu de tout ça, du moins à la base, on fait la musique qu’on veut faire dans l’époque dans laquelle on vit. Rien de compliqué là-dedans. Ce qui ne nous empêche évidemment pas d’avoir des grosses ambitions en dehors du Québec, mais on ne va pas forcer pour surfer sur une quelconque vague.
Comment définirais-tu l’influence du climat québécois ?
J’aurais du mal à l’expliquer, mais j’écoute pas mal de groupes scandinaves, en ce moment, des groupes suédois ou finlandais, et je trouve qu’il y a des ressemblances, des points communs avec ce que l’on fait. Difficile à décrire, mais un côté froid, dans le bon sens du terme, un côté polaire et glacial, qui se retrouve dans des choses très planantes, dans des sonorités particulières. Dans l’utilisation de certains instruments, de la voix. Difficile à décrire, mais c’est quelque chose que je sens clairement.
L’album a été publié il y a presque un an au Québec : c’est pas un peu étrange de se replonger dans la promotion si longtemps après ?
On n’a pas l’effectif assez solide pour le sortir partout en même temps. On est un peu habitué. Et on a changé de label en France, de tourneur. On est très content, et on a resserré le délai par rapport au précédent album, Les Tremblements s’Immobilisent ; il s’était écoulé plus de deux ans entre sa sortie au Québec et sa sortie en France, et ça avait alors été vraiment étrange. Le Volume du Vent a eu un petit écho au Québec : on est encore plus enthousiastes à aller le défendre en France. Mais on prépare déjà la suite…
J’ai l’impression que Le Volume du Vent est encore plus accompli, plus achevé que le précédent.
Ce sont des chansons qui d’après nous vont peut-être avoir une durée de vie plus longue –sans prétention, elles me semblent plus intemporelles. Le prochain disque ira sans doute dans d’autres directions, mais on est encore dans la bulle qu’on a créé pour Le Volume du Vent. On est fébrile, et on a encore plaisir à tourner avec ces chansons.
Quelles envies aviez-vous pour Le Volume du Vent ?
Certaines chansons de l’album sont sorties juste après la sortie du précédent album, d’autres sont venues au contraire très vite, au dernier moment. Mais on fait les choses instinctivement, pas de gros scénario, pas de préméditation. On fait les choses, puis on trouve à la fin un fil rouge, des éléments récurrents, des lignes conductrices. En l’occurrence, c’est le thème du vent, du temps, du froid. Il revenait soit dans les thèmes abordés dans les chansons, soit musicalement –les envolées vocales, sans paroles, des textures aériennes ou froides.
Pour les thèmes, je parle par exemple des jeunes qui meurent dans la rue, en hiver –on est en 2009 et on n’a toujours pas trouvé de solution à ces problèmes, les crédits sont coupés, insuffisants. Et pour parler de ça, on est souvent passé par le champ lexical du vent, du climat, champ lexical qu’on a aussi utilisé pour d’autres sujets, comme l’amour…
On a enregistré l’album en hiver, il y avait des grosses tempêtes de neige, les portes du studio laissaient passer l’air froid ; ça nous a un peu influencés. Ca a donné le souffle à notre production. Les morceaux sont plus complexes, la production plus luxuriantes…
Comme je te le dis, on fait les choses spontanément, on n’analyse pas vraiment les choses quand on les fait. Mais après avoir bouclé Le Volume du Vent, on a quand même eu le sentiment d’avoir progressé, d’avoir affirmé notre identité, d’avoir confirmé le travail fait sur le précédent album. Les Tremblements s’Immobilisent avait été bien reçu, et on a été content que le public et la presse reçoive Le Volume du Vent avec un réel enthousiasme. C’est aussi ce qui nous rend curieux : qu’est-ce que cet album peut donner à l’étranger ?
Vous chantez toujours en Français… Vous ne comptez pas chanter un jour en Anglais, justement pour ouvrir un peu la carrière du groupe ?
Je n’ai jamais eu par moi-même la pulsion d’écrire en Anglais. On parle assez bien anglais, mais pour arriver à trouver une certaine poésie, une certaine profondeur, pour parler des choses de manière simple mais personnelle et différente, c’est très complexe dans une langue qui n’est pas ta langue maternelle. Mais si quelqu’un me traduisait mes chansons en Anglais, pourquoi pas. Par curiosité plus que par désir –et il ne faut pas oublier que la communauté francophone au Canada est entourée d’Anglophones, et que si le geste politique n’est que sous-entendu, si ce n’est pas vraiment un engagement, on pense à la survie de la langue.
L’album semble tout aussi énergique mais moins colérique que Les Tremblements s’Immobilisent… Qu’en penses-tu ?
Il est sans doute plus lumineux, bien qu’on reste dans des terrains un peu sombres. Mais je suis d’accord. Les Tremblements s’immobilisent était sans doute plus noir, plus mordant. Le Volume du Vent est peut-être plus apaisé, malgré les thèmes. L’énergie est peut-être plus positive. On avait ce désir, avant de faire le disque : réussir à aborder le thème du bonheur, ce qui est souvent plus difficile que de parler des choses noires. En même temps, il y a sans doute plus de profondeur dans le malheur que dans le fait de parler des oiseaux qui chantent et du beau temps…
Tu le disais toi-même : on vous compare souvent à Radiohead, à Noir Désir… Ca vous flatte, ça vous énerve ?
Non, ça ne me dérange pas du tout. Déjà parce que je pense que la comparaison est utile, pour tout le monde : ça permet de savoir vers quels territoires on se dirige. Ensuite parce qu’on a beaucoup écouté Radiohead dans notre jeunesse, même si ce n’est pas ce qu’on écoute aujourd’hui. Ce sont des grands musiciens, de grands artistes. Quant à Noir Désir, j’ai l’impression de ne connaître que la pointe de l’iceberg, je me suis mis à beaucoup les écouter avec Des visages, des figures. Je respecte beaucoup la plume de ces gars là, mais il y a en même temps une partie de nous qui peut être agacée, parce qu’il devient de plus en plus difficile de se faire une identité propre, on ne peut qu’être comparé à quelqu’un d’autre, c’est à ce niveau beaucoup plus difficile que dans les années 60 –Robert Charlebois, on ne le comparait alors à personne… Je vis bien avec ça : il y a quand même plus ringard que Radiohead ou Noir Désir…
Le live est très important, pour vous…
C’est très important. C’est en live qu’on prend le plus de plaisir. Et c’est la partie la plus importante de notre vie : faire de la route, en van, jouer un peu partout, on adore ça, on n’a pas à se forcer. D’autant plus qu’on va lâcher nos autoroutes nord-américaines pour retrouver celles d’Europe… Ca nous branche beaucoup : aller conquérir d’autres gens. Ca te ramène sur terre, on va repartir à zéro, il va falloir regagner un public. Ici, au Québec, c’est de plus en plus facile : les salles sont pleines, le disque se vend bien, on est un peu connus. On a vendu 25 000 albums, plus tous ceux qu’on vend pendant les concerts. C’est beaucoup ; vue les proportions, ça correspondrait à quelque chose comme 250 000 disques en France ; beaucoup d’autres groupes comme nous se contentent de 4000 ou 5000 disques. On est aussi nommé pour les Juno, pour l’album francophone de l’année. On ne crache évidemment pas là-dessus, mais repartir en conquête nous branche bien. Tout comme le fait d’aller jouer dans des pays non-francophones –l’Angleterre, l’Espagne.
Créé le 06 mars 2009 - par Thomas Burgel, les Inrocks
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