par Chambolle
Pêche (aux idées)
Chasse (aux emplois)
Nature (humaine)
et Tradition…
…qui n’est pas synonyme d’immobilisme, la preuve : ces vieux métiers qui peuvent offrir aux traders licenciés et aux directeurs de banques dépouillés de leurs bonus, de vraies chances de reconversion et dont j’ai dressé l’inventaire.
Aujourd’hui :
Le balayeur d’objections
Il peut être gaucher, droitier ou ambidextre mais certainement pas manchot. En effet, l’objection se balaie classiquement d’un revers de main. Le balayeur d’objections hante les débats télévisés, court les interviews et empoisonne les dîners en ville. Il a l’œil dominateur, le verbe haut et le geste péremptoire. Amoureux de son métier, il traque l’objection dans des endroits où vous et moi n’imaginerions même pas qu’elle peut se dissimuler. Un simple « mais », un trivial « pourtant », un naïf « cependant » suffisent à le mettre en mouvement. Mieux, il voyage dans le futur et lit dans les pensées : « Je sais ce que vous allez me dire et je vais y répondre… » est une de ses phrases favorites.Précisons que la profession, en dépit de ce que les quelques lignes précédentes pourraient laisser croire, n’est pas réservée aux hommes. Il existe des balayeuses d’objection de grand talent. Certaines pratiquent en amatrices. Ce ne sont pas les moins performantes.
Métier au fond agréable et valorisant, le balayage d’objection a pourtant, sur la santé de ceux qui le pratiquent un effet indésirable et fort gênant que la science peine à expliquer. Quand on met face à face deux balayeurs d’objections, ils sont aussitôt frappés d’une surdité qui les empêche d’entendre ce que dit leur interlocuteur. Très curieusement, cette infirmité est sélective car les protagonistes de ces dialogue de sourds (1) comprennent parfaitement ce que disent (quand ils peuvent arriver à en placer une) les autres personnes présentes. Les meilleurs chercheurs n’ont, jusqu’à présent, pas réussi à expliquer les causes de ce très étrange phénomène, peut-être parce que ceux qui en sont affectés ne s’en plaignent jamais et vont jusqu’à nier leur maladie.
Quoi qu’il en soit, ce léger inconvénient ne doit pas dissuader la jeunesse de s’engager dans une voie qui reste prometteuse. On aura toujours besoin de balayeurs (ou de balayeuses) d’objections. Pourquoi, demanderez-vous ? Poser la question, c’est y répondre : pour la raison évidente que, tant qu’il y aura des pourquoi, il faudra des parce que.
Chambolle
(1) Terme peu scientifique mais généralement admis pour décrire ces symptômes. La médecine moderne parlera plus volontiers de message discursif entre mal entendants occasionnels.