Sans blessures apparentes, Jean-Paul Mari

Publié le 06 mars 2009 par Antigone

"Plus la guerre menée a été longue et sauvage, plus le sevrage sera brutal. Soudain, tout s'arrête. Le jour succède à la nuit. Autour d'une nappe blanche, les Présidents des deux camps apposent leurs élégantes signatures à la plume au bas d'un traité et décident que la guerre est finie, le chaos révolu et le crime à nouveau immoral. Ainsi, d'un coup, d'un seul, il faudrait tout oublier ! Redevenir doux comme un agneau, père attentif, mari aimant, citoyen modèle, bien à l'heure le dimanche pour la partie de boules à la sortie de la messe ou de dominos après la mosquée. Le héros sur le front, l'ancien tueur, qualifié jusqu'ici d'avant-garde de la patrie en danger, est prié de déposer les armes et d'enfiler de toute urgence son costume trois pièces de citoyen lambda pour reprendre sa place dans la comédie humaine."

Jean-Paul Mari est grand reporter, et ce depuis de longues années. Il parcourt le monde en quête de papiers, suit les guerres qui éclatent de partout, qui massacrent, qui tuent, qui torturent. Un jour, à Bagdad, logé dans un hôtel réservé à presse, il assiste aux dégâts que provoque un obus envoyé par les alliés, et plus particulièrement à la mort d'un de ses confrères, fasciné par la tâche blanche et nacrée qui a remplacé son ventre. Il ne sait pas que le mal est entré en lui, ce mal qui ronge ces hommes que la guerre rend fou, ce mal devenu sujet tabou, couvert par les décorations et les éloges héroïques... Sans blessures apparentes est le résultat d'une enquête de longue haleine, menée contre l'horreur pour la guérison et la légèreté...

Contre toutes attentes, j'ai beaucoup aimé ce livre, presque un récit d'utilité publique. Jean-Paul Mari a un talent évident, celui d'écrire remarquablement bien, celui aussi de nous transmettre son sujet sans lourdeurs, avec imprégnation. Ecris comme un roman, hanté par des images fantômes, ce récit est une quête, une quête vers le bonheur, vers les autres, vers la paix, mais aussi une quête de soi. A travers les portraits de guerriers naufragés qu'il nous dresse, c'est un peu l'humanité perdue dont Jean-paul Mari nous parle, et les solutions pour la sauver nous paraissent soudain si simples et si lointaines à la fois... Un documentaire, riche en émotions et en subtilité, qui m'a passionné.

"- On en sort plus riche ?
- Infiniment.
- Après avoir, hélas, perdu sa légèreté d'antan...
- Grossière erreur.
- Mais enfin, le temps de l'innocence est fini, non ? [...]
- L'innocence dont vous parlez n'est pas la légèreté.
- Je ne comprends pas.
- En revisitant son histoire, le traumatisé, guéri, a renoncé à sa névrose mais il en a profité aussi pour dénouer des noeuds anciens...
- Qui entravaient sa vie ?
- Oui. Cette "innocence" dont vous parlez il la payait cher.
- Alors quand la cure réussit...
- C'est un homme qui a retrouvé sa liberté. Plus léger qu'avant. Beaucoup plus léger !"

Note de lecture : 4/5

Un livre lu dans le cadre du grand prix des lectrices de 2009
Catégorie Document

ISBN 978-2-221-10731-7 - 20 € - 10/2008

La lecture d'Enna - Celle d'Annie