Portrait de Thomas Boullault - Restaurant l'Arôme

Par Toinard

A l’occasion de la sortie du guide Michelin 2009, sept tables parisiennes ont décroché une première étoile. Parmi elles, l’Arôme d’Eric Martins et de son chef, Thomas Boullault. Un jeune chef attachant qui brille par une créativité débordante.

La cuisine dans la peau

Comme beaucoup de chefs, Thomas Boullault est né dans un univers où la gourmandise était de mise. Fils de boucher – charcutier à Candé sur Beuvron dans le Loir & Cher, Thomas prend plaisir à regarder son père travailler et cuisiner. L’écouter raconter les dîners familiaux ou les repas de Noël tout Saint-Jacques vous ouvre l’appétit. Malgré une scolarité classique qui aurait dû le mener à suivre le cursus général, Thomas clame haut et fort qu’il veut être cuisinier. Au cours d’un repas à l’Auberge A La Tête de Lard à la Ferté Imbault, son père s’entretient avec le chef qui lui propose de venir travailler dans la brigade pour le réveillon de la Saint-Sylvestre. « Si avec ça, il n’est pas dégoûté, on en fera un chef ». Ce qui devait arriver, arriva. Thomas prit du plaisir malgré la masse de travail et l’effervescence de ce jour particulier. Il restera finalement deux ans aux côtés de chef connu pour ne pas être un tendre. Le CAP en poche, Thomas rejoint l’Auberge de Lanthenay où officie un chef qui avait obtenu deux étoiles Michelin à Paris au restaurant Le Dodin-Bouffant. La découverte d’une cuisine plus élaborée l’incite à rester le temps de passer son BEP avant d’enchaîner sur deux années supplémentaires.

Paris et sa chambre de bonne

Contre l’avis de son père, Thomas rend son tablier de Lanthenay pour tenter l’aventure parisienne. Son père le prévient, « tu as deux jours pour trouver du travail sinon tu rentres à la maison, y’a de quoi t’occuper ». Thomas se saisit alors du guide Michelin 1999 et passe des coups de téléphone sans trop savoir à qui il s’adresse. Tout le monde lui demande d’envoyer un CV mais de CV, il n’en a pas. A quelques heures du temps imparti et au culot, il appelle chez Taillevent (3 étoiles à l’époque) et demande le chef. A la question « c’est à quel sujet », il répond « c’est personnel » et obtient directement le chef, Philippe Legendre. Heureux hasard, ce dernier cherche une maison dans le Loir & Cher. La rencontre se fait donc quelques jours plus tard sur les terres de Thomas. Il est embauché dans la brigade du George V que Philippe Legendre vient de rejoindre. Pour Thomas, c’est la découverture du luxe, de la cuisine de palace, de l’absence de coupure entre les deux services et d’une triste chambre de 10 m2 à Neuilly-sur-Seine. Le fossé entre les restaurants de province et la restauration haut de gamme parisienne est trop important pour Thomas qui quitte le George V un an plus tard pour rejoindre la quiétude Suisse de Fribourg, au restaurant Le Schild. Il y restera deux ans.

De tables étoilées en palace

Frédéric Simonin, son ancien chef de partie au George V l’incite à revenir à Paris pour participer à l’aventure du restaurant Seize au Seize où il rencontre Eric Martins, futur directeur de l’Arôme. Puis, direction le Royal Monceau sous les ordres de Christophe Pelé, aujourd’hui à la Bigarrade, qui vient également de recevoir sa première étoile en 2009. Chef de partie, Thomas découvre une cuisine à l’instinct, pensée le matin même en fonction du retour du marché de Christophe. Malheureusement pour ce duo, le Royal Monceau ferme ses portes et par le plus grand des hasards, Thomas croise Eric Martins qui lui propose une place de chef à l’Arôme. Nous sommes en septembre 2007.

« Une étoile à 30 ans »

Comme pour son vélo, sa mobylette ou sa moto, Thomas a toujours su comment manœuvrer pour obtenir ce à quoi il aspirait. Il s’était juré qu’il aurait une étoile à 30 ans. A 28 ans et quelques mois, c’est chose faite. Cette distinction vient récompenser une cuisine qui évolue en permanence. Récemment un habitué lui disait « ce qui est agaçant chez vous, c’est qu’il faut lire le menu tous les jours ». Effectivement, Thomas refuse de s’enfermer dans une carte à rallonges qui ne changerait qu’à chaque saison. Ce qui le fait avancer, c’est de pouvoir créer en permanence avec des produits de qualité dénichés chez les meilleurs artisans. Dans un premier temps, il a appliqué ce qu’il avait appris chez les autres. Aujourd’hui, il signe une carte très personnelle où chaque création a un sens, où l’équilibre de chaque plat se fait autour d’une saveur qu’il contre volontairement par une autre comme avec ce cœur de saumon fumé que des asperges vertes de Mallemort viennent adoucir sous le regard d’une fondue de cancoillotte ou ce cabillaud de ligne doré, tombée d’épinards aux pignons de pin et émulsion douce aux anchois de Collioure. Comme au Royal Monceau, c’est une cuisine d’instinct mais mûrement réfléchie. Ainsi le foie gras de canard mi-cuit aux saveurs de pomme Granny-smith et litchi peut varier demain ses saveurs par le changement de variété de la pomme. Une cuisine évolutive où la fourme d’Ambert, ses cerises Amarena et sa brioche pourraient dans quelques jours se métamorphoser, sans changer le sens du plat, avec par exemple l’apparition d’un Roquefort en lieu place de la Fourme. Résultat, personne ne se lasse et de sa cuisine ouverte sur la salle, Thomas apprécie. Le guide Michelin aussi.

Restaurant l’Arôme. 3, rue Saint-Philippe du Roule. Tel. : 01 42 25 55 98. Menus : 29 et 36 € (au déjeuner), 59, 72 et 109 € (au dîner). M° Saint-Philippe du Roule