CJCE, Arrêt du 5 mars 2009, Commission/Espagne, C-88/07
Dans cette affaire, la Commission européenne, sur base de plaintes déposées auprès d'elle par plusieurs entreprises, reprochait à l'Espagne d'avoir retiré du marché espagnole certains produits à base de plantes médicinales parce qu'ils n'avaient pas obtenu une autorisation de mise sur le marché (Pour une affaire proche, voyez ce recours contre l'Allemagne sur des gélules de poudre d'ail). L'Espagne, selon une pratique administrative constante, considère en effet que ces produits sont des médicaments qui doivent donc être soumis à une procédure d'AMM (directive 2001/83). Ces produits sont toutefois produits et librement commercialisés dans d'autres états membres en tant que compléments alimentaires.La Commission reproche aussi à l'Espagne d'avoir manqué à ses obligations découlant de la décision 3052/95 établissant une procédure d'information mutuelle sur les mesures nationales dérogeant au principe de libre circulation des marchandises à l'intérieur de la Communauté. La Cour y trouve l'occasion de préciser les obligations de vérification qui pèsent sur les autorités nationales au titre de leur obligation de coopération loyale (article 10 CE).
La Cour rappelle tout d'abord qu'une simple pratique administrative peut constituer une entrave aux libertés de circulation à la double condition qu'elel présente un certain degré de constance et de généralité. En l'occurrence, il apparaît que l'administration espagnole classe bien certains produits, de manière systématique, dans la classe des médicaments et que cette pratique est validée par la juridictions nationales. Elle présente le caractère de constance et de généralité requis.
La Cour écarte par contre les décisions de l'administration qui consiste à appliquer la législation espagnole spécifique aux produits à base de plante qui contient une annexe reprenant lles produits dont a toxicité ne permet pas leur usage dans d’autres produits que des médicaments. Il ne s'agit pas alors d'une pratique administrative mais de l'application de la loi. Le recours en manquement ne visera donc pas ces produits mais uniquement ceux qui ne sont pas explicitemment visés par la loi et qui font l'objet de la pratique administrative.
La Cour s'interroge alors sur la qualification de ces produits en tant que médicaments. Ce basant sur l'affaire allemande précitée et la directive 2001/83, la Cour conclut que ces plantes sont des substances qui, tout en ayant une influence sur le corps humain, n’ont pas d’effet significatif sur le métabolisme et ne modifient dès lors pas à proprement parler les conditions de son fonctionnement ne doivent pas être qualifiées de médicament par fonction. Dès lors, elles n'entrent pas dans la champ d'application de la directive 2001/83. En pratique, une AMM ne peut donc être exigée sur cette base.
La Cour va alors apprécier l'effet d'entrave de la pratique administrative à l'aune de l'article 28 CE. En l’espèce, la pratique administrative espagnole crée une entrave aux échanges intracommunautaires dans la mesure où un produit à base de plantes médicinales non incluses dans l’annexe de l’arrêté de 1973, légalement fabriqué et/ou commercialisé dans un autre État membre en tant que complément alimentaire ou produit diététique, ne peut être commercialisé en Espagne qu’après avoir été soumis à la procédure d’AMM.
Cette mesure peut être justifiée sur base de l'article 30 CE (protection de la santé publique) mais encore faut-il qu'elle respecte le double test de proportionnalité. Dès lors, l’obligation d’obtenir une AMM avant de pouvoir commercialiser des produits à base de plantes médicinales sur le territoire espagnol ne pourra être considérée comme conforme au principe de proportionnalité que si elle est effectivement nécessaire, dans chaque cas d’espèce, pour assurer la sauvegarde de la santé publique.
Or, le critère sur lequel se basent les autorités espagnoles pour exiger une AMM, à savoir le fait que la plante médicinale à base de laquelle le produit est fabriqué n’est pas incluse dans l’annexe de la loi espagnole, ne permet pas, sur la base des données scientifiques les plus récentes, de prendre en compte le risque réel pour la santé publique que présentent ces produits.Il résulte des considérations qui précèdent que la pratique administrative espagnole visée par le présent grief ne respecte pas les exigences du droit communautaire telles qu’elles ressortent de la jurisprudence de la Cour mentionnée aux points 89 à 93 du présent arrêt, et notamment celle d’une évaluation approfondie, au cas par cas, des risques pour la santé publique que pourrait entraîner la commercialisation d’un produit à base de plantes médicinales.
Par rapport à la décision 3052/95, son article 1 prévoit que lorsqu'un État membre fait obstacle à la libre circulation ou à la mise sur le marché d’un certain modèle ou d’un certain type de produit légalement fabriqué ou commercialisé dans un autre État membre, il notifie cette mesure à la Commission dès lors qu’elle a pour effet direct ou indirect», notamment, une «interdiction générale», un «refus d’autorisation de mise sur le marché» ou un «retrait du marché». Toutefois, l'état n'a cette obligation que s'il sait ou doit raisonnablement savoir qu’il adopte a pour effet de faire obstacle à la commercialisation sur son territoire de produits légalement fabriqués ou commercialisés dans un autre État membre. L'espagne fait valoir qu'elle ne savait pas qu'il y avait entrave avant que la Commission ne lui notifie son avis motivé au début de la procédure en manquement. Or les produits en cause venaient notamment de Belgique, vendu en Espagne par une société espagnole qui avait averti les autorités espagnoles de la provenance des produits.
La Cour précise alors les obligations qui pèsent sur les autorités nationales à cet égard. En effet, dès lors que les autorités espagnoles étaient informées que ces produits avaient été importés de Belgique, il leur incombait, si elles estimaient insuffisante la preuve que ces produits étaient légalement fabriqués et/ou commercialisés en Belgique, de vérifier ce fait auprès des autorités belges, conformément à l’obligation de coopération loyale prévue à l’article 10 CE. Le manquement est donc établi.