Ce n’est pas encore une fronde mais c’est déjà un mouvement de grogne. “A son retour de vacances au Maroc, Martine Aubry va trouver sur son bureau une lettre contestant sa méthode pour la constitution des listes aux européennes. Parmi les signataires, Gérard Collomb, maire de Lyon, François Patriat et Safia Otokoré , président et vice-présidente de la région Bourgogne, François Rebsamen , maire de Dijon, et Gilles Savary , eurodéputé sortant” indique Le Parisien.
Le décalage est important entre les instances nationales du parti et la base. Samedi le conseil national avait adopté à une très large majorité (189 pour, 14 contre et 18 abstentions) la composition des listes. Un peu trop rapidement Martine Aubryavait jugé l’affaire pliée et affiché sa satisfaction.
Aussitôt rendues publiques, les listes ont suscité de nombreux remous. La fédération de Gironde, choquée par l’éviction dans le Sud-Ouest de Savary a indiqué par la voix de son Premier secrétaire qu’elle n’organiserait pas le vote de ratification qui doit simultanément avoir lieu dans toutes les sections du pays le 12 mars.
Dans la circonscription Centre-Auvergne-Limousin, les premiers fédéraux de la Creuse, de Corrèze et de Haute-Vienne vont encore plus loin et demandent aux militants de voter contre la liste menée par le fabiusien Henri Weber en signe de protestation contre l’éviction de Jean-Paul Denanot, Président du Conseil Régional Limousin. Toujours dans la même circonscription, on ne comprend pas le choix de donner la préférence au maire d’Aurillac (Cantal) plutôt qu’à un représentant de la métropole clermontoise, réservoir conséquent de suffrages. Dans le Sud-Est,le parachutage de Vincent Peillon ne satisfait personne, pas même le premier intéressé.
Aucune circonscription n’est épargnée pas les mouvements d’humeur. Selon Gérard Collomb, maire de Lyon, “dans toutes les régions, une fronde est en train de s’organiser parce que les listes sont ubuesques et donc ne feront pas de bons résultats”.
“Nous avons respecté la règle du non-cumul, placé des candidats issus de la diversité en position éligible et assuré le renouvellement, c’est l’essentiel”, assure Christophe Borgel, secrétaire national aux élections. Les faits lui donnent pourtant tort sauf à ce qu’en cas d’élection les “cumulards” démissionnent de leurs mandats hexagonaux. Rendu prudent par ses fonctions, Benoît Hamon a reconnu mardi lors d’un point presse à l’issue du secrétariat national qu’ “Il peut y avoir dans un, ou deux, ou trois départements, des grincements - et on peut le comprendre - car ces départements se jugent insuffisamment représentés”, mais jugé que les listes adoptées traduisaient “l’unité du Parti socialiste dans une échéance clé”.
Si la constitution finale des listes est le fruit des petits arrangements entre courants, l’effet boomerang à leur égard est notable par la multiplication des dissensions comme le relève avec délectation Le Figaro. “Brouille chez les royalistes entre Collomb et Peillon, fâcherie Fabius-Bartolone chez les fabiusiens et divorce Moscovici-Delanoë au sein de la motion défendue par le maire de Paris”.
Bien que décriée, Martine Aubry, fidèle à son image de femme à poigne, est en fait en train d’asseoir son autorité sur le parti en usant de la formule attribuée à Machiavel “diviser pour mieux régner”. Quitte à revenir, dans une caricature de jacobinisme, sur plus de vingt ans de décentralisation.
Pierre Moscovici a déjà tourné la page. Interrogé par l’AFP, l’ancien ministre des Affaires européennes estime que le malaise qui ressort “exprime une vraie insatisfaction sur le mode de constitution des listes”. Il faut en tenir compte pour “lancer audacieusement la rénovation du Parti socialiste: travail sur le fond, réflexion sur le mécanisme de désignation”. Ce mécanisme “montre les limites d’un fonctionnement reposant uniquement sur la proportionnelle des courants, dans un parti qui de plus est très fragmenté. Si nous sommes sans arrêt sur des logiques d’appareil et des combinatoires de courants, nous risquons de nous recroqueviller”.
Tentés de voter contre les listes proposées, les militants savent qu’un tel choix ne changera pas grand chose et surtout qu’en cas de désaveu de la direction nationale, celui-ci sera immédiatement instrumentalisé par l’UMP. Au delà des querelles byzantines, des questions de personnes, reste la question inabordée dufond.Quelle est la position du PS en 2009 sur l’Europe et surtout, est-elle unitaire ou existe-t-il encore des divergences ? Les questions posées par le rejet du TCE lors du référendum de mai 2005 ont jusqu’alors soigneusement été évitées. Il serait temps de les purger à quelques mois du scrutin.