lundi 2 mars 2009 par Raphaël
CONFIANT
Une vieille (et mauvaise) habitude coloniale française fait que les 4 dernières colonies appelées D.O.M (Départements d’Outre-Mer) sont systématiquement
rassemblées, regroupées, mises ensemble, cela sous des qualificatifs divers tels que « ces lambeaux de France palpitant sous d’autres cieux » (Général De Gaulle) « nos
départements ultra-marins » (V. Giscard d’Estaing), « nos départements français d’Amérique » (Jacques Chirac), « nos chères Antilles » (Michel Rocard) et
bla-bla-bla.
L’heure est désormais venue de rompre définitivement avec cette habitude.
S’il fallait rendre un seul hommage au mouvement qui vient de secouer notre pays, ce serait d’avoir permis d’éclaircir la situation, de faire tomber les masques, de révéler les arrière-pensées des uns et des autres et dorénavant d’obliger chacun à se positionner. Car on ne peut pas clamer Péyi-a sé ta nou (Ce pays est le nôtre) et, dans le même temps, ne rien faire pour qu’il commence à devenir nôtre.
Et commencer à devenir nôtre signifie sortir du système « Départementalisation-assimilation » qui pendant 50 ans, a certes amélioré le niveau de vie de beaucoup et permis la construction d’infrastructures de qualité, mais qui a ruiné notre économie. Qui l’a littéralement fait disparaître. Qui l’a transformée en « économie-prétexte » selon la formule d’Edouard Glissant, c’est-à-dire ne fonctionnant que grâce à des transferts financiers massifs de la « métropole ».
Il faut sortir du cadre mortifère de la « Départementalisation-assimilation » et vite.
Comment faire ?
Depuis 1999, c’est-à-dire depuis 10 ans, la Martinique y réfléchit. Contentons-nous de reproduire cet extrait de la page 140 de l’ouvrage, « Au-delà des discours » (éditions Ibis Rouge), de l’ancien conseiller régional Louis Boutrin :
« . 10 décembre 1998 : le gouvernement socialiste confie à deux parlementaires, le sénateur martiniquais Claude Lise et le député réunionnais Michel Tamaya, une mission gouvernementale dans le cadre d’une lettre de mission stricte et balisée…
. 24 juin 1999 : le Rapport Lise/Tamaya est remis au gouvernement.
. 27 octobre 1999 : colloque en Martinique sur la coopération en présence du premier ministre Lionel Jospin. Même jour mais autre lieu, rassemblement d’indépendantistes à l’hôtel Victoria : Alfred Marie-Jeanne déchire le Rapport Lise/Tamaya devant les caméras de télévision.
. 1 décembre 1999—Guadeloupe : tel un séisme politique, la Déclaration de Basse-Terre vient réveiller les consciences. Les présidents des trois Régions de Guadeloupe, Guyane et Martinique signent un document dans lequel ils proposent au président de la République et au gouvernement une modification législative, voire constitutionnelle, visant à créer un statut nouveau de Région d’Outre-Mer.
. le 8 décembre 1999 : 800 personnes se réunissent à Madiana pour assister à la présentation faite par les signataires. C’est le point de départ d’une série de réunions dont l’objectif est l’élaboration d’un projet pour la Martinique.
. 7 février 2000 –Guyane : Déclaration de Cayenne. Trois délégations régionales conduites par les président des trois Régions décident de jeter les bases d’une nouvelle politique fiscale et sociale afin d’envisager le développement économique et de développer véritablement l’empoi.
. 2 décembre 2000 : le projet Martinique est restitué au public. Les synthèses des ateliers sont débattues et des choix stratégiques sont proposés. La quasi-totalité des formations politiques est présente. Un consensus martiniquais semble se dégager autour de cette esquisse de projet Martinique.
. 12 juin 2001 : les élus de la Martinique se réunissent pour la première fois en congrès. 79 des 82 élus des deux collectivités sont présents. Il a été décidé de mettre en place une commission « ad hoc » chargée d’élaborer des propositions qui seront débattues lors du prochain congrès.
. 20, 21, 23 février et 4 mars 2002 : 2è Congrès. Adoption par les élus de la Martinique de 10 résolutions. En fonction des rapports présentés au Congrès, 71% à 100% des élus sont favorables à ces résolutions. 5 motions dont celles portant sur la reconnaissance du Peuple martiniquais et de la Nation martiniquaise sont majoritairement approuvées. »
Etc…etc…
Et Louis Boutrin d’égrener sur deux pages encore les rencontres, réunions, débats, colloques qui se sont déroulées en Martinique jusqu’à la fameuse consultation du 7 décembre 2003 perdue à mille voix près.
Tout ce travail de réflexion, de réunions, de débats, d’expertises diverses a finalement abouti, le 10 décembre 2009, à la réunion du Congrès de la Martinique (la réunion des deux assemblées locales) et à l’adoption, après 11h de débats, à une très large majorité, d’une résolution permettant de commencer à sortir du cadre mortifère évoqué plus haut. Cette résolution se prononce sur une consultation de type référendaire pour faire avaliser un projet d’assemblée unique et de nouvelle collectivité territoriale dans le cadre de l’article 74 de la constitution française. En bref, d’aller vers l’Autonomie…
Allons-nous tirer un trait sur 10 ans de débats juste pour faire plaisir à un quarteron de fonctionnaires-trostkystes-opportunistes qui ont essayé d’obtenir par la rue la crédibilité politique qu’ils n’ont jamais eu par les urnes ?
Car que disent ces messieurs-dames dans un texte dans lequel ils réclament la création d’un NPA (Nouveau Parti Anticolonialiste), imitant ainsi le NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste) de leur petit copain Besancenot, inaugurant, après l’assimilationisme de droite et l’assimilationnisme de gauche, un assimilationnisme d’extrême-gauche ou se prétendant d’extrême-gauche ? A les entendre, le peuple n’aurait pas été consulté ! Et de réclamer donc des « Etats-généraux du peuple martiniquais ».
On croit rêver ! Consulter le peuple veut dire quoi ? Rassembler 400.000 personnes dans un stade et leur demander de s’exprimer ? Ou alors 200.000 ? Ou alors 50.000 ? Ces messieurs-dames savent très bien qu’au-delà d’une tribu de 300 habitants, la démocratie directe est impossible. Que dans un pays de 400.000 habitants comme la Martinique, lorsque des débats s’instaurent, forcément ce sont les organisations représentatives de ce même peuple qui s’assoient à une table pour discuter. Quand Serge Letchimy, maire de Fort-de-France, a organisé des débats publics sur la réorganisation de la place de la Savane, il y avait entre 300 et 1.000 participants, or notre capitale compte…100.000 habitants. Dira-t-on que le fruit de ces débats n’est pas démocratique ?
Il faut arrêter la mauvaise foi.
Pendant 10 ans, entre 1999 et 2009, de très nombreuses organisations, de très nombreux mouvements, de très nombreuses associations, représentatives du peuple martiniquais dans sa diversité, se sont rassemblés à intervalles réguliers pour discuter d’un « Projet Martinique ».
Agriculteurs, militants écologistes, patrons petits et grands, artistes, fonctionnaires, élus politiques, étudiants, représentants religieux etc…ont réfléchi, travaillé, discuté ensemble et c’est pourquoi les états-généraux que proposent monsieur Sarkozy sont nuls et non avenus.
Pour la Martinique en tout cas !
Nous n’avons pas besoin des « états-généraux » proposés par les Français ni des soi-disant « états-généraux du peuple martiniquais » que réclament les fonctionnaires-troskystes-opportunistes.
La Martinique a déjà fait ses état-généraux pendant les 10 dernières années.
Stop ! Suffit le baratin et la discutaillerie ! Basta !
Si les autres colonies veulent faire des états-généraux, c’est leur problème.
Tout ce que nous attendons de M. Sarkory, c’est qu’il fixe la date et les modalités de la consultation référendaire. Point barre.
Et là, rira bien qui rira le dernier ! Car il ne faudrait pas que ceux qui ont braillé pendant des semaines Péyi-a sé ta nou refusent maintenant de prendre leurs responsabilités et votent contre toute tentative d’échappée hors du cadre « départementalo-assimilassionniste », cadre destructeur, il ne faut jamais cesser de le répéter.
Sinon, Aimé Césaire aura eu raison de parler de « mendiants arrogants »…
Source : Montray Kréyol