Parlons luxe

Publié le 20 janvier 2009 par François Némo @ifbranding


Euphorie oblige, on a vu ces dernières années une quantité de niches fleurir autour du luxe, « Nouveau Luxe », « Hyper Luxe », « Luxe accessible »… que j’avais abordé sans le développer, à travers ma précédente note sur Zadig & Voltaire… Chacun cherchant légitimement sa part du gâteau, les recettes foisonnent pour répondre aux bouleversements et à l’essor qu’a subi le secteur. Mais la confusion est totale et le rétrécissement du marché entraînera à coup sûr une redistribution des cartes. N’est-ce pas aussi une bonne occasion de faire le point, revisiter les critères, revoir ses fondamentaux à la lumières des nouveaux enjeux. Redonner une lecture à un secteur dont le principal moteur est, et restera, la passion.

Retour aux sources

Le luxe est dérivé du mot latin « luxus », un adjectif qui signifie « pousser de travers », puis « pousser avec excès », pour devenir « excès en général ». Le luxe est excessif et (a) normal. Excessif par qu’il vise l’excellence, la perfection, le superflu, les meilleurs produits, les meilleurs créateurs, les meilleurs artisans… (a) normal parce qu’il impose ses propres règles. En opposition à la grande distribution qui répond à une demande, le luxe émane d’un créateur qui construit son propre univers et flatte le goût pour la singularisation. Avant d’être un marché, le luxe est d’abord une culture liée à la réussite personnelle et sociale.

Mise en tension

De par son histoire et par sa relation au temps et à l’humain (la construction d’une marque de luxe est faite par des hommes et s’inscrit dans la durée), le luxe est fortement rattaché au passé et aux racines. Au confluent de l’art, de la créativité, de la mode, de l’argent, dans une relation au temps et à l’avant-garde qui n’en finit pas de l’interroger, le luxe est au cœur de multiples contradictions qui le placent aujourd’hui dans un état de tension permanent. Comment gérer ces multiples contradictions ? Qu’est-ce qu’une marque de luxe aujourd’hui ?

Un laboratoire de création

Un laboratoire de création et de réflexion. Un magma en perpétuelle fusion qui interroge l’entreprise, ses valeurs, sa culture, ses racines. Qui interroge l’idée même de créativité. Ses différentes formes et fonctions dans le monde contemporain. Ses relations avec l’art, la mode, l’argent. Ses relations avec l’héritage. La part de l’intemporel, de l’éphémère. Qui s’interroge sur les nouvelles technologies, la relation à la matière et à la planète. Un laboratoire ou (co) « habitent » des créatifs, des stratèges, les gardiens du « temple » autant que des visionnaires.

Un laboratoire de développement

Quel équilibre commercial ? Où situer le curseur du marketing (rationaliser les pratiques commerciales) pour à la fois préserver le « noyau dur » de la marque et répondre aux exigences de développement. Comment satisfaire à la fois ceux qui achètent les produits pour l’appartenance et le plaisir et les autres par goût de l’ostentation. Quid de l’extension de gamme, de la diversification…

La nécessité d’un référent

Face à de telles exigences, la marque de luxe nécessite la présence d’un référent qui détient les « clefs » de la marque comme on détient les clés d’un paradis. C’est le personnage aux « manettes ». Un non-spécialiste, un genre d’homme à tout faire (qu’importe d’où il est issu) qui doit cumuler sensibilité, culture, intelligence, sens de l’art, vision du monde, ouverture, parfaite connaissance de l’entreprise et de sa culture, un homme qui saura digérer la multitude des contradictions et des enjeux artistiques, commerciaux, symboliques, pour donner du sens et de la raison d’être. Un visionnaire. Il y a bien sûr les fondateurs qui ont cette vision dans le sang. Mais il y a aussi les suivants, et là je citerai en exemple M. Dumas (un grand magicien), qui a conduit Hermès là où l’on sait.

Le luxe et l’argent

Si l’argent est un moteur du luxe (les produits de luxe généralement sont chers et imposent une stratification sociale), il ne constitue pas sa finalité. Luxe n’est pas synonyme d’argent. Il est d’abord synonyme d’appartenance, de culture, de créativité, de sensibilité. L’argent est la conséquence de produits généralement complexes et raffinés. Le luxe est réservé à une élite, bien sûr ! Mais quelle élite ? Ne doit-on pas privilégier celle que le produit fait rêver plutôt que celle qui s’affiche. Toujours ce « noyau dur », objet central de la marque. Peut-on classer dans le luxe des produits bon marché qui adoptent strictement les critères du luxe. Je pense à Apple....

Autant de questions et de contradictions qui font de ce secteur un phénomène culturel et social à fort contenu humain. Un phénomène placé au cœur de nos identités. Et qu’importe les appellations, « Nouveau Luxe », « Hyper Luxe », « Luxe Accessible »… pour être luxueux, le luxe doit être exigeant, « excessif », (a) normal…