Anthologie permanente : Max Jacob

Par Florence Trocmé

Max Jacob (né en 1876 à Quimper), ami de Picasso et d’André Salmon, a reçu avec la publication du Cornet à dés en 1917 l’hommage d’Aragon, d’Artaud, de Malraux. Plusieurs membres de sa famille sont arrêtés après 1942 et, la chasse aux Juifs s’intensifiant, il est arrêté en février 1944. Après un bref emprisonnement à Orléans, il est interné au camp de Drancy, antichambre des camps de concentration. Il y meurt d’une pneumonie le 5 mars 1944.Un hommage lui a été rendu le 1er mars à Drancy, d’autres suivront cette année : à Saint-Benoît-sur-Loire (plusieurs dimanches du 15 mars au 7 octobre), à Quimper (exposition de reliures, 7 avril-2 mai, chansons de Max Jacob le 24 avril, par Mélaine Favennec) et dans Les Cahiers Max Jacob en octobre (voir ici et pour tous renseignements : theresebordes@wanadoo.fr)

Poème qui manque d’unité

Tout se passe comme au temps d’Alfred de Musset. Me voici dans un hôtel meublé de la rue du Rempart : un compositeur me reproche, à la lumière de la chandelle, de n’être pas venu à l’Opéra écouter son ballet : puis, sur un vieux piano à queue, je m’exerce à soutenir des points d’orgue pendant qu’il fait des variations vocales... et il y avait dans l’alcôve une femme, mais cette femme était sa mère malade.
Me voici au bal ; on fait des conjectures : «  Remarquez-vous comme elle fait de la toilette ! elle porte un turban rouge et sa fille aussi ! Elle aime, mesdames, elle aime ! L’honnête Mme de Pont-Aven est amoureuse. Tous ces turbans ! ces changements de coiffure ! Elle ne quitte pas les salons de toute une nuit parce qu’il est là ! » Quand j’entrai, deux dames me demandèrent laquelle de l’une et de l’autre je préférais et je les préférais toutes deux. Un monsieur très bien nous montre à danser la chaîne anglaise et la leçon n’en finissait pas. Par une innovation aussi hardie qu’ingénieuse, pendant que la chaîne anglaise s’organisait, on baissait le gaz (avait-on le gaz ?) et on augmentait la lueur pendant que la musique augmentait de force. Quand la chaleur était établie, le piano allait brillamment et le gaz aussi ! Innovation ! Or j’étais près de la cheminée : la maîtresse de maison me faisait envoyer des fleurs parce que j’étais malade ; ces paniers de fleurs me faisaient pleurer et rire à la fois. Le salon se remplissait de turbans et d’épaules nues : toutes ces gens avaient l’air de figurants du Théâtre Français. Deux dames disaient : « Dans notre monde on n’est pas dupe et on ne fait pas de dupes ! » Des messieurs essayaient de se rappeler une charade qui tient en deux vers, puis sortaient pour se battre en duel. On remarquait beaucoup mes joies, mes pleurs, mes fleurs près de la cheminée.

Max Jacob, Le Cornet à dés, Gallimard, 1945 [[1923], p. 32-33.

Contribution Tristan Hordé (qui a publié sur Poezibao un fort dossier consacré à Max Jacob)

Max Jacob dans Poezibao :
bio-bibliographie,
Dossier Max Jacob, avec des citations de grands écrivains à propos de Max Jacob, de nombreux poèmes, une biographie et une bibliographie détailléesAssociation des Amis de Max Jacob,
un texte de François Rannou à l’occasion de la diffusion du film Monsieur Max

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