Vous lisez tous les jours des critiques négatives, voire virulentes, sur des films, des livres, des pièces de théâtre, ou des opéras. Mais il est si rare de lire des critiques d’exposition négatives.
On peut imaginer plusieurs raisons à ce manque d’audace. L’économie des revues d’art, basée sur la publicité, les fins de mois des critiques d’art, trop mal payés par les revues pour ne pas devoir vivre de ‘ménages’ et commissariats financés par les galeries et les centres d’art, la connivence de ce petit monde, et la crainte de nuire à la cause de l’art contemporain face aux ‘réactionnaires’ (voir texte surligné par moi ci-dessous), font que les critiques d’expositions d’art contemporain sont rarement négatives.
Et donc, quand un critique ose être négatif, c’est le coup de pied dans la fourmilière.
Il y a quelque temps, il paraît que la revue gratuite Particules avait courageusement osé une critique négative de la coûteuse exposition de Loris Gréaud au Palais de Tokyo. L’avez-vous lue ? Probablement pas, car ce numéro est introuvable, des sbires en ayant raflé tous les exemplaires dans tous les lieux où la revue était disponible dès sa parution. Sur ordre de qui ?
Là, je viens de recevoir le mail suivant, titré ‘Où va la critique ?’, de Monsieur Monjaret, que je ne connais pas :
Chers Amis,
Je joins, à titre de curiosité, un article qui est l’exemple même d’une fausse critique artistique. Il s’agit en réalité d’un ramassis d’inepties paru récemment dans une revue dont il eut mieux valu taire l’existence. Mais le comique d’une soi-disant journaliste croyant faire son métier vaut son pesant d’or.
Bien cordialement,
Pierre Monjaret
Directeur
La Bergerie - Lieu d’Art Contemporain
http://www.labergerie-lac.com
En annexe ci-après, la critique incriminée, signée Catherine Bréauté. A vous de juger ! (Monsieur Monjaret n’indiquant pas le nom de la revue et mes recherches via Google n’ayant rien donné, j’ignore le nom de la revue détentrice du copyright : qu’elle accepte mes excuses, je corrigerai dès que j’en serai informé).
“Du 27 février au 8 avril, La Bergerie-lieu d’art contemporain présente une nouvelle exposition de Melenaite Noata, Généraliste. Une grande déception qui montre que l’artiste est allée trop loin dans son entreprise de charme et de tromperie.
Melenaite Noata vient de produire une exposition totalement inutile. Ellenousmontrelerésultat desontravailautourdeSoissons,pendant cinquante-deuxjours.PourquoiSoissons ? Pourquoicinquante-deuxjours ?Cettemanière deconstruiredesprojetssuruneduréeetdans un cadredifférentsn’interroge-t-ellepas l’expositionetlerôledel’institution :pourquoi allerlà-basetsilongtempspourproduireune telleboursouflure ?Contrairementàcequel’on pourrait penser dans un premier temps, les salles d’attentequeNoatainvestitneproposentpas des alternatives à la réification générale mais, au contraire, la confortent.
L’impossiblecontemplation,lemalaisediffus, produisentuneœuvrefastidieusequin’arrive qu’àfabriqueruneinterrogationennuyée chez le spectateur.Ilyacertesdu« non-vu »,du « non-visible » ;maisonnevapasau-delà.Les photographiessansattraitsdefauteuilset d’affiches quelconques se veulent sans doute une réflexionsurl’artetlaculture.Onpeutpenser qu’il s’agit pour Noata d’intervenir sur le rituel, le tempsetl’espace.Lesfichesmanuscrites,d’un ridiculeachevé,nenouséclairentguèresurla problématiquepoursuivie.Certainement,Noata réussitàatteindreunbut,celuid’arriverà provoquerunvif agacement,l’impossibilité d’adhéreràsesœuvres.Oùestlaplacedecette artistedansl’enchaînementdesœuvres,des lecturesdel’histoiredel’art,desformes,des matières et dessymboles, dansla questionde la nature mêmede l’œuvre d’artetdu regard qu’on luiporte ?Nullepart.Elle secontentede donner lechange.Noatafaitpartiedecesartistesqui fontsemblantdetrouverlemoyend’ouvrirde nouveaux espaces et d’opérer selon leurs propres termes,toutensachantquelamoindrevelléité detransgressionestgénéralementtrèsvite transformée en style acceptable par le marché. Et celaluiconvientparfaitement.Mais,sil’onsait bienregarder,l’habiletéfaitdéfautetcette mystificationtombeàplat.Cedispositif,quise veutaussi,tantqu’onyest,l’expériencedu détachementetde l’intemporel,n’estqu’un ignoble court-circuitage detoute restitution aux formesetauxmatériauxd’unpouvoirphysique etsymbolique.L’artistes’ingénieainsià travaillerdanslabanalitéoulenon-événement paruneabsencedesoi-disantpartiprisqui donnerait àses œuvres des qualités abstraites et uneportéegénérique.Quellesquesoientles anecdotesquiontgénéréceparcourssemé d’indices,ellesfontserejoindrel’inutilitéetla futilitéenprovoquantennousunrejetdoublé d’ennui.
Sil’onvoulaitpersuaderlesvisiteursquel’art contemporainestvraimentnul,onnes’y prendraitpasautrement.Certainss’étonneront que l’on critique ainsi cette exposition. S’éloigner duconsensusdesvernissagesetporterun jugement,et d’autantplussicelui-ciest négatif, estconsidéré hors depropos.L’artcontemporain seraitunecausecommune,attaquéedetoutes parts.Nepasfourbirlesarmesdesdétracteurs. Maiscommentpeut-ondéfendrecette interminablesérie decibachromes flous ettape-à-l’œil?Cettemascarade dépourvue de désir,de projetsetd’illusions ?Cettepathétique imposture ?Quelintérêttrouveràcettesuitede détails fastidieux et rancis,de miasmesfatigués ? Onauraitpuespérervoirtraiterl’espacesocial commeunmatériauetfairenaîtredecette manipulationuneexpériencerenouveléede l’attente, voir les éléments médicaux prendre une postureparadoxale.Iln’enestrien.Resteun objetunpeu hermétiqueàprendrepour cequ’il est :l’espacepsychologiqued’uneartisteobtuse etsurévaluée,avec ses duperies,ses obsessions et sa fausseté.
Maisparle-t-onencored’artquandl’onsaitque touteslespiècesontété venduesavantle vernissage ?Celieud’exposition,quel’ona connuplusengagéetclairvoyant,afaitlechoix d’ajusterl’offreàlademande.Iln’aplusde tempsàperdreaveclacritiqued’artetilest maintenantinutiled’organiserdesvoyagesde presse.Ledirecteurdulieuabeaudéclarer « Mêmesilesloisdumarchénesontpasnotre seulemotivation,noussommeslàpourfairedu profit. »,sicertains collectionneursse mettaient àréfléchir ausens etàl’intérêt des piècesqu’ils achètent,MelenaiteNoatarisqueraitde sombrer dansunanonymatrapide.Maispour lemoment, il faut reconnaître à l’artiste un grand talent dans lestechniquesducamouflage,delamascarade, dufaux-semblant.C’estainsiqu’ellearriveà concilier lestatutdel’artisteetlarémunération de la femmed’affaireset qu’elle finit parproduire de telles expositionsoù une emphasepontifiante et flouetient lieu d’argument etde morale.Faut-il y voir uneironie post-moderne ?Même pas. On a simplementlà ce quel’onpeutfairedeplus caricaturalementmauvaisenmatièred’art contemporain. “