Je vous propose de découvrir un article du journal Le Monde du mois dernier sur le déplacement des coraux par les géants du nickel.
Peut-être les dieux ont-ils été trop généreux ? Non seulement la Nouvelle-Calédonie abrite près d’un quart des ressources mondiales de nickel, mais elle est aussi sertie d’une barrière de corail, inscrite en juillet 2008 au patrimoine mondial de l’humanité de l’Organisation des Nations unies pour la science, l’éducation et la culture (Unesco). Faire cohabiter cette industrie lourde et l’exceptionnelle biodiversité du “Caillou” est un véritable défi.
Pourtant, ce voisinage engendre parfois d’heureuses initiatives : afin de limiter la destruction des coraux, plusieurs géants du nickel ayant élu domicile dans l’archipel se sont lancés dans des opérations de déplacements de colonies coralliennes. “La première tentative remonte à 1979, à Hawaï, mais cette technique est toujours expérimentale. Seul un petit nombre d’applications existent de par le monde”, explique Sandrine Job, ingénieur-consultante en écologie récifale. A sa connaissance, aucune expérience n’avait jusqu’alors été menée dans le cadre de l’industrie minière.
En 2006, le groupe brésilien Vale, qui achevait la construction d’une usine métallurgique de nickel d’une capacité de 60 000 tonnes par an, avait essuyé les plâtres. L’unité est installée en bordure d’une somptueuse baie du Grand Sud calédonien, au richissime patrimoine naturel. Et son chantier a alimenté moult conflits et polémiques avec les populations locales kanakes et les associations environnementales.
A la demande des autorités, Vale a “compensé” les destructions induites par la construction d’un port, puis par le trafic maritime en transplantant 2 000 colonies coralliennes dans des zones protégées. Munis de marteaux et de burins, des scientifiques ont alors détaché les coraux des fonds sous-marins. Entreposés dans des caisses arrosées en permanence, les coraux ont ensuite été réinstallés.
“On fait du jardinage, en recréant des paysages sous-marins. On utilise du ciment pour fixer les coraux au substrat”, indique Sandrine Job. Trois ans plus tard, 90 % des coraux ont survécu, mais par endroits, leur stress a attiré des étoiles de mer, qui les ont envahies.
Plus au nord, à Vavouto, l’anglo-suisse Xstrata a compensé, en juillet 2008, une partie des dommages provoqués par le creusement d’un chenal de 5 kilomètres de long menant à son usine, qui devrait ouvrir d’ici à 2012. Dans cette zone, l’opération s’est révélée plus délicate. “Il y avait des pinacles coralliens de 10 à 12 mètres de haut, avec des colonies de plusieurs mètres de diamètre, datant de centaines d’années et d’une valeur écologique inestimable”, se souvient Sabrina Virly, cogérante du bureau d’études Environnement de la mine et du récif.
Les coraux ont été détachés avec une scie hydraulique, puis “emmaillotés” et remorqués à l’aide d’énormes bouées. “Les deux sites récepteurs vont être suivis pendant cinq ans. Pour le moment, l’un a bien pris, tandis que l’autre a souffert de destructions, vraisemblablement causées par des gros poissons, tels des perroquets à bosse, qui y ont donné des coups de dents”, constate Sabrina Virly.
Alors que ces initiatives ont été très médiatisées par les industriels, les écologistes jugent qu’elles jouent le rôle de l’arbre qui cache la forêt. D’autant que, malgré un texte en cours de modernisation, la législation minière néo-calédonienne est largement dépassée.
“C’est mieux que de ne rien faire, mais il faut que les collectivités aient les moyens d’imposer des compensations à surfaces égales, estime Raphaël Mapou, leader du Comité autochtone Rheebù nùù. C’est un raisonnement que l’on a avec le carbone, il faudra y venir pour tout l’environnement.”
Claudine Wéry
Source : LeMonde.fr