Pour toi, Agnès et pour ton père ...je t'avais promis de ne pas fondre en larmes....
Maurice BERGER
Il s´appelait Maurice,
Il était capitaine de Gendarmerie.
Il aimait sa famille,
Il aimait son pays.
Sa femme jouait du violon,
Et son fils avait un regard clair et limpide.
Il aimait son travail,
Il aimait la Loi,
Servir, donner;
Il respectait l´Ordre et la République.
Parfois…. il regardait le Ciel.
Il aimait l´air du printemps,
Il aimait l´Auvergne;
Il avait foi en l´avenir,
Sa famille et son pays étaient tout son horizon.
Mais le tourment est venu,
Une armée étrangère et des ordres de l´Autorité;
Arrêter des familles, des hommes, femmes et enfants
Et les livrer à l´armée étrangère.
Qui sait, peut-être même à la mort ?
Son regard cherchait le Ciel.
Arrêter des familles,
Les arracher de leurs foyers,
Les expulser, les déchirer,
Les condamner à l´errance,
Pour quoi, dans quel but et pour quels crimes?
Il interrogeait le ciel.
Lui, Maurice, capitaine de Gendarmerie,
Lui qui aimait son pays,
Qui aimait sa famille,
Lui qui vénerait les justes lois de la République,
Ne comprenait plus.
Il poursuivait le Ciel…. en vain.
Sur le bureau,
Dans la chemise couleur azur,
reposaient en toute quietude
Des noms, des prénoms et les adresses;
Ils s´appelaient Abraham, Moshé, Sarah,
Il y avait tant de noms inscrits dans ces listes;
Il y avait tant de vies, là dans la jolie chemise
Au regard clair et limpide, comme son fils.
Les listes attendaient là,
Et les ordres aussi.
En vain, il s´accrochait au Ciel.
Fallait-il fermer les yeux ?
En quoi tout cela le concernait-il?
Sa femme ne jouait-elle pas du violon ?
Son petit n´avait-il plus un regard clair azur?
Le Ciel était habité par le silence.
Fallait-il prévenir ?
Prendre des risques?
A quel prix et pour qui?
Il ne connaissait pas d´Abraham, ni de Moshé, ni de Sarah,
Et les ordres eux , attendaient ;
En quoi tout cela le concernait-il?
Les mots et le tourment habitaient le Ciel.
Peut-ệtre Sarah jouait-elle du violon?
Et Moshé avait-il des rêves de gendarme?
En vain,
C´est en vain qu´il offrait ses larmes au Ciel.
C´est alors que les yeux ouverts,
Il a écouté son Coeur.
Bien-sûr, il aimait l´Auvergne, un si beau pays,
Et il aimait tellement sa famille !
Bien- sûr, sa compagne faisait chanter le violon
Et le petit avait le regard de la grande mer,
………Bien-sûr !
Non, il ne savait pas pour qui,
Mais dans son Coeur, il comprenait pourquoi;
Les noms et les adresses dans la poche,
il a prévenu,
C´est la nuit qu´il a été ouvrir les portes de l´espoir.
Il aimait tant l´air du printemps
Et il regardait le Ciel,
Mais c´est dans son Coeur
Que le soleil a éclairé sa conscience.
Il n´aurait pas su dire pourquoi,
Il n´aimait pas les mots.
Ce qu´il aimait, c´est la musique du printemps
Et l´air du violon
Et le Ciel dans les yeux de son fils.
Il aimait sa famille,
Il aimait son pays.
Il a été arrệté,
Il a été déporté.
Là-bas dans les camps,
Sans doute regardait-il le Ciel en vain;
Sans doute écoutait-il son Coeur pour entendre la musique du violon
Et revoir la grande mer dans les yeux de son fils.
Oui, sans doute, jusqu´à la fin,
Il a écouté son Cœur,
Là où a siégé sa force.
Le violon n´a plus jamais fait entendre sa mélodie,
Depuis qu´il est parti à Crépenice en Tchecoslovaquie.
Il s´appelait Maurice Berger,
Il était capitaine de Gendarmerie,
Il a été un Homme devant Dieu et devant les hommes.
Et moi, Rachel,
Qui ait choisi de vivre sous le Ciel d´Israël,
Je porte dans mon Coeur le nom de ce Juste
Dont la vie a croisé la vie de mon Peuple.
Je regarde le Ciel,
Et par la force du Saint Nom,
Je te rends hommâge
Maurice Berger, Homme devant Dieu
Et devant les hommes, pour l´Eternité.
Rachel FRANCO