D comme Déficits, Dettes, Défaut, Dévaluation, Dérive, Déprime...

Publié le 05 mars 2009 par Objectifliberte

Que vaut aujourd'hui la parole d'un état ? Le 2 janvier, le sénat votait une loi de finance rectificative faisant état d'un déficit public de 79 milliards d'Euros.

Le 4 Mars, Eric Woerth annonce un déficit qui "devrait être" de 104 milliards. Plus 25 milliards en deux mois ! voilà qui en dit long sur la fiabilité du pronostic gouvernemental de ramener le déficit sous les 3% du PIB en 2012. Bienheureux si un nouveau "collectif budgétaire" dans les mois à venir ne corrige pas ce déficit à la hausse. La météo budgétaire risque bientôt d'être aussi fiable que la météo tout court...

Naturellement, le chiffre présenté est rapporté au PIB, soit 5,6%. 5,6%, cela reste suffisamment abstrait pour ne pas trop alarmer les foules, je présume.

Mais ce pourcentage est trompeur. Sachant que les dépenses de l'état (y compris transferts aux Collectivités Locales) devaient se monter à 346 milliards (environ) avant plan de relance, soit environ 267 milliards de recettes, et que le plan de relance va amener la dépense totale vers 360 milliards, soit à peu près 700 milliards en intégrant les comptes sociaux... le déficit représente réellement 15% des dépenses totales, et 18% des recettes... Pourcentages à doubler si on s'en tient au budget de l'état stricto sensu. Imagine-t-on une entreprise ou un ménage tenir avec de tels ratios pendant des décennies ?  Et encore, je ne parle pas de la situation calamiteuse des collectivités locales, plombées par leurs prêts à taux variables et la chute de recette des droits de mutation.

Le collectif budgétaire de janvier prévoyait un besoin de financement de 145 milliards, à emprunter sur le marché des capitaux. Le plan de relance va amener ce besoin à environ 160, et il convient d'insister sur le mot "environ". Une paille. Environ 50% de plus que lors d'une année ordinaire. Et à ce rythme là, les chiffres de besoin de refinancement annuel vont connaître, dans les années à venir, un nouvel emballement, si les marchés de capitaux ne sifflent pas la fin de la partie avant...

Car tous nos voisins et partenaires commerciaux sont dans la même situation. Les besoins de capitaux pour les états vont atteindre des montants stratosphériques, et ce dans un contexte de contraction de la masse monétaire liée au besoin de "deleveraging" des banques.Y a-t-il assez d'épargne encore prête à s'investir dans les dettes publiques ?

Les taux longs de nos emprunts d'état risquent de ne pas rester bas très longtemps, et la compétition entre bons et mauvais états va exacerber les différences de taux d'intérêts, déjà pourtant en forte hausse: 


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Aujourd'hui, l'argent est deux fois plus cher pour les grecs et les irlandais, que pour les allemands. De tels écarts tendent à se répercuter sur toute l'économie: le crédit aux entreprises va devenir bien trop cher dans les pays mal gérés. Or, ceux ci ne peuvent pas dévaluer tant que l'Allemagne arrive à refinancer ses dettes: les allemands risquent, probablement, de refuser que la BCE rachète des bons grecs ou irlandais au détriment de la valeur des euros détenus par les ménages allemands. Sauf si l'Allemagne elle même se retrouvait en difficulté pour refinancer sa dette, un "sauvetage" des PIGS (Portugal, Ireland, Italy, Greece, Spain) par la dévaluation de l'Euro parait politiquement difficile à imaginer.

De tels écarts de taux tendent à se répercuter sur l'économie générale des pays considérés: ils imposent un handicap de compétitivité terrible aux entreprises des pays les plus mal en point. Ceux ci ne pourront pas éternellement accepter de voir les écarts de taux se creuser avec l'Allemagne.

Il ne restera à ces pays comme possibilité qu'une restructuration drastique des secteurs publics pour réduire l'endettement et envoyer un signal rassurant aux marchés de capitaux, ou une sortie de la zone Euro, immédiatement suivie d'une dévaluation forte de la monnaie locale, ce qui spoliera les détenteurs de dette, et ruinera les petits épargnants, et n'évitera pas la restructuration. Impossible de prévoir le scénario le plus probable, mais ceux qui affirment d'un ton docte et lénifiant qu'il n'y a aucun danger d'explosion de l'Euro se moquent de leurs lecteurs et auditeurs. L'Euro est plus que jamais sous pression.

Enfin, si la remontée générale observée depuis début janvier se poursuit dans tous les pays, ce qui me parait probable -- mais toute prévision faite actuellement comporte une grande part d'incertitude --, alors nos déficits se paieront très chers en intérêts, ce qui rendra encore plus improbable un retour à un déficit "normal"  -- comprendre: moins abyssal-- dans les délais annoncés par M. Woerth, et renforcera l'incertitude sur la fiabilité des signatures des états.

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