Eric Mension-Rigau, maître de conférence à l'université de
Paris-Sorbonne (Paris IV), nous propose une plongée entre la fin du XIX° et le début du XX° siècle. Il signe la biographie d'un dandy célèbre : Boni de Castellane. Dernier représentant d'un monde aristocratique à l'agonie, il s'efforcera tout au long de sa vie de faire perdurer les valeurs de son ordre et des gens
de son rang. Lucide sur son monde "on a des surprises en démocratie. On y aime la noblesse, à condition qu'elle ait un fumet de décomposition" Boni de Castellane va pourtant être de son vivant une sorte de légende vivante, coursé par les paparazzi de l'époque, faisant la Une de tous les journaux, il précédera
constamment les modes du temps et sera le véritable apôtre du "Bon Goût" de l'époque. Toujours tiré à quatre épingles, décorant le Palais Rose qu'il fera construire en plein coeur de Paris avec
des meubles rares et chers, ce dandy magnifique mènera une vie néanmoins ancrée dans son temps.
Descendant des Talleyrand, il épouse une richissime américaine Anna Gould héritière du roi des chemins de
fer américain. Député républicain (sans étiquette) des Basses-Alpes Boni de Castellane mène une politique engagée (à droite, dirions
nous aujourd'hui) de patriote et de conservateur. Ses élections successives (trois mandats) auront été rendues possible grâce à la fortune de sa femme. Mais sa vie frivole et la très mauvaise
intégration d'Anna à la vie européenne, conduira le couple au divorce, malgré les trois fils qu'Anna et Boni ont eu. Sans ressources, Boni va être contraint de travailler : il se
dirige alors vers le conseil en décoration et la vente d'antiquités auprès des grands de ce monde. Il mènera aussi une procédure judiciaire pour avoir un droit de garde sur ces enfants, ainsi
qu'un regard sur leur éducation. Avant la Grande Guerre, il mènera une intense activité diplomatique auprès de la noblesse européenne pour tenter d'éviter le pire. Sa famille, comme de
nombreuses familles aristocratiques, est européenne par le biais des alliances multiples et successives. Ses trois fils tenteront de suivre l'enseignement paternel avec des destinées
variées. Boni de Castellane
aurait servi de modèle à Marcel Proust pour son personnage de
Robert de Saint-Loup.
La lecture de cet ouvrage est difficile. L'ouvrage est érudit, les références sont nombreuses. Le livre comporte 356 pages dont plus de 80 de notes, sources, bibliographies, arbres
généalogiques... Le début est déroutant, en lieu et place d'une description de l'enfance de Boni, on
découvre une description de l'univers familial aux multiples ramifications, frères, soeurs, oncles, tantes... d'un abord assez déroutant et fastidieux pour un néophyte et ignare tel que moi...
mais cependant essentiel. En effet, à force de persévérance, ces indications se révèlent finalement précieuses dans la suite de l'ouvrage et permettent une meilleure compréhension de la
personnalité de Boni de Castellane
et de ses réseaux. Finalement j'ai éprouvé un plaisir certains et un intérêt curieux pour découvrir cette
période de l'Histoire de France et de l'Europe, la III° République vue par un bout de la lorgnette que je n'avais pas eu le loisir de tenir. Mes lectures jusqu'à présent m'avait portés vers des
regards plutôt "à gauche". Que ce soit les écrits de Zola, la vision des Dreyfusard, (et non des antis), les combats pour la laïcité
(Boni, en catholique fervent, était farouchement opposé, aux lois de séparations), le dadaïsme... ces visions se complètent
finalement très bien en nous permettant de comprendre une époque charnière en tenant compte de ces composantes les plus variées.
En savoir plus sur Boni de Castellane en visitant le site qui lui est consacré, en
écoutant une émission de radio sur Canal Académie avec Eric
Mension-Rigau.
Enfin un grand merci à Babelio et à Clément Vekeman des éditions Perrin.
Eric Mension-Rigau, Perrin, 2008 - 22,00 €.