On peut avoir une idée de ce que veut dire chez Ben Stiller "acteur involontaire" en le voyant faire, contraint à la mitraillette, le bouffon sur la scène d'un petit village vietnamien, dans Tonerre sous les tropiques. Ce passage reflète en un sens l'ensemble du film, et même l'ensemble des films de cet acteur, réalisateur pour l'occasion. Ben Stiller passe son temps dans des rôles non assumés, à incarner comme contre son gré des personnages mals dans leurs frippes. Mannequin ringard dans Zoolander ou ici acteur sur le déclin, grimaçant et gesticulant pour essayer de rester à la hauteur de ce qu'il a été ou aurait voulu être, l'énergie comique de notre pitre est celle du désespoir.
Tout est dans l'expression forcée chez Ben Stiller. Forcée par les choses - ou par lui-même, pour faire face, c'est le cas de le dire, aux événements. On le voit mimer à grand peine les émotions dans Tropic Thunder, ou révolutionner la moue du mannequin dans Zoolander, comme si tout le salut de l'acteur était concentré dans la complexion du visage. On s'aperçoit, à travers ces deux films réalisés par l'acteur, que le défi revient à faire sien le rôle imposé, le personnage involontaire. On rit pourtant de la grimace mal placée, des improvisations mal senties, des mimiques vides de sens: ce qui est drôle, cruellement, c'est l'échec d'un personnage toujours dépassé, toujours à côté de la plaque.