Avec le retour des vacances revient le temps des escapades et du « out of joint » comme dit l’ami Hamlet. Est-ce un effet des circonstances ? De mes lectures (Hugo, Conrad, Stevenson, Melville) ? Du cadre maritime ? Des copies sur Robinson que, de bon matin, j’ai commencé à corriger (pas toutes très bien écrites et encore est-ce une litote !) ? Des prémices du printemps sur l’océan qui gronde encore de la dernière tempête ?...
Mais hier matin en accomplissant ma petite course à pied sur le sentier côtier habituel, j’éprouvais un sentiment d’île et de robinsonnade.
Pourquoi précisément robinsonnade ce matin ? Peut-être aussi parce que le ciel était particulièrement bleu, calme, comme lavé par une tempête, la côte découpée, particulièrement à vif, affleurant de l’affutage, l’eau encore brisée, les dernières mouettes et les cris pointus, refluants, aiguisés des goélands dans les algues, les carcasses et les brisants de coquillages.
On avance, on avance, les cheveux à la brise, le torse et la face en figure de proue, meilleure pénétration dans l’air, « la spada » de maître Indurain, tu n’as jamais oublié ! Et puis enfin, dans le défilé de roches, une petite sente qui s’avance sur une langue de sable, puis la prairie déjà verte, émaillée de premières paquerettes, l’écho, de chaque côté, des alouettes, et sur la colline, les façades blanches des maisons, avec leurs volets verts, souvenirs anciens des peintures empruntées par les pêcheurs de Ré aux coques des navires.
Et le soleil adoucit l’atmosphère et les premières gouttes de sueur perlent sur le front.