Encore une fois, j’ai vidé consciencieusement des bouteilles. Boire et fumer sont peut-être les seules activités que j’effectue avec une certaine méticulosité, au début du moins… Ensuite, progressivement, les mains tremblent, les cigarettes sont prises à l’envers, et le carrelage devient collant, pendant que je perds mes mots et ma contenance. C’est une sorte d’engrenage volontaire : je connais par avance le résultat - la honte à la fin de la nuit - pourtant j’essaie énergiquement de l’obtenir. Je ne me donne même pas d’excuse… Je ne fais pas comme cette amie qui demandait au barman “juste une petite bière”, comme si elle s’attendait à recevoir son demi dans un verre à liqueur. Au contraire, mi-affligée mi-moqueuse, j’explique “j’essaie de devenir alcoolique”. J’ai également cessé de rendre l’alcool responsable de mes épanchements douteux et de mes actes désinhibés. Il en est la cause, certainement, mais n’est-il pas avant tout leur prétexte plus ou moins inconscient ?
Cependant, les propos que je tiens au cours de ces longues nuits varient selon les saisons ; en ce moment, j’en reviens toujours au passé. Il est possible d’errer à l’infini dans ses souvenirs, volontairement ou par association d’idée, en bifurquant grâce à un visage, une phrase, une couleur même délavée ou changeante… mais, par endroit, il y a des trappes scellées de l’intérieur, des souterrains étroits aux sorties de secours introuvables. Ce sont les zones dans lesquelles je m’engouffre actuellement sitôt que le whisky ou la vodka s’introduit dans mon sang. L’alcool anesthésie ma douleur comme ma volonté, alors j’inspecte ces recoins interdits de manière détachée, comme si j’utilisais l’ivresse afin de les explorer sans pleurer, jusqu’à ce que mes yeux se ferment… Lorsque je ne suis pas suffisamment à l’aise avec mon interlocuteur, quand je suis incapable de penser à haute voix de manière décousue, c’est dans une cuvette que je gerbe mon mal-être.
Malgré tout, je n’en avais sans doute jamais autant dit en l’espace de deux nuits à une personne que je rencontrais pour la première fois. Je ne me rappelle pas de tout, mais les bribes restantes sont inquiétantes : pourquoi ai-je feuilleté le cahier bleu zébré ? D’où est ressorti l’homme emprisonné ? Ma mémoire conserve des faits et des gestes, tout en oubliant les causes et les déclencheurs. Je me souviens des trappes mais non des lieux où elles se situent. Et pourquoi toi ? Peut-être est-ce plus facile avec un homme auquel sourient les petites filles sur les quais…
D’ailleurs, à cet endroit là, je me sentais simplement bien, même si j’ai également aimé les conversations flottantes sur les places improbables. Ce n’était pas uniquement en raison du soleil, du vent qui fait frissonner à l’ombre, et de cet avant-goût de printemps. Assise face aux péniches, je comprenais que cet horizon me manquait, cette étendue, que ce soit au bord du Rhône ou sur la septième fenêtre du quatrième immeuble de la rue Camille Jordan devant le ciel. Alors pourquoi est-ce que je restreins si facilement ma vie à mon canapé et à ma fenêtre ?
Je ne me plains pas, surtout pas… Je suis une fille chanceuse : celle qui reçoit une augmentation en pleine crise, celle qui déchire un carton pour découvrir des cadeaux inattendus de son amoureux, celle qui rencontre des gens exceptionnels, etc. Je ne veux rien changer dans ma vie malgré mon envie de la foutre en l’air, mais j’abuse du mot “presque” parce qu’il me manque quelque chose, à peu près rien, un détail, une cause, un chemin…
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Outside my window
Outside my window
Wish I was fine
Outside the wind blows
Outside the wind blows
Fear stalks me again
Oustide my window the big moon hovers
casting shadows on things people’ve lost
Inside, dark and swaying landscapes deepen
And I want to lock myself up
And never come out again
Cause all these things in my chest
Gives me no rest
Just drags me down and away again
But I do remember how I was told
Not to be afraid of the dark
And I try, thinking this storm
Will finally carry us home
You could see it coming
Well, the truth is that I’m blind on my left eye
You could see it coming
Well, that’s just part of my plan
…