Ce soir-là à Vanves, on a frôlé Tinto Brass. Et David Hamilton a dû sentir ses
oreilles siffler, à ceci près que Kataline Patkaï a passé l'âge des nymphettes sans cervelle. Mais quelle chic fille Kataline. Un sourire de Joconde,
une vraie nana douce et timide, et croyez-moi je m'y connais en timidité. Et puis elle a pris sur elle de faire répéter toute la ménagerie - Genod,
Pierre, Yvonnick, chats, lapins, chevreau dans sa maison de campagne de Courpière.
Kataline Patkaï/Yves-Noël Genod, C'est pas pour les cochons !
(cl. Jérôme Delatour - Images de danse)
Oui, donc on nageait dans ce kitsch vulgaire (tautologie ?) qui émoustillait les mâles beaufres des années 1960-1970. Tout y était, la campagne belle et brute, les petits lapins qui font des
crottes, le bébé chevrette qui fait pipi et tombe du plateau, le piano romantique, les chandeliers, les petites étoiles Disney, la carafe en cristal, la botte de brindilles pour allumer le feu, lui
le sourire ravageur et polyglotte, garçon de ferme abonné à Vénus beauté, elle innocente et fragile, mais tout de même prête à s'abandonner et à perdre ses bas blancs, voire sa culotte.
Kataline Patkaï/Yves-Noël Genod, C'est pas pour les cochons !
(cl. Jérôme Delatour - Images de danse)
C'est nature, c'est foutraque, discrètement humoristique, pas de doute c'est du Genod. Et tout est bon dans le Genod, même si
c'est pas du cochon. Le texte qu'il a pondu pour l'occasion (à lire sur son blog) est bien chiadé. Si, si.
D'ailleurs il faut penser à y aller de temps en temps sur son blog, on y trouve tous les éléments de la pièce ; et Genod écrit plutôt bien. C'est le
côté sympathique de l'affaire : les spectacles de Genod sont toujours à deux doigts du naufrage, mais ce sont des tranches de vie. Il met en scène ce et ceux qu'il aime ; et les gens qu'il aime il
les met à poil, ce qu'on ne saurait lui reprocher. Un peu comme sa vie, qu'il distille par allusions, sans qu'on distingue toujours parfaitement la fiction de la réalité. C'est ce qu'on appelle de
l'autofiction, paraît-il.
Kataline Patkaï/Yves-Noël Genod, C'est pas pour les cochons !
(cl. Jérôme Delatour - Images de danse)
Genod joue les poètes réactionnaires. Il est du côté des Flaubert et des Baudelaire. Il nous ressort Rousseau, la communion avec la nature, Adam et Eve. Ce qui l'intéresse, c'est la liberté.
Qu'a-t-il à faire de la modernité ? Avec Kataline, il fait comme Gainsbourg, autre réactionnaire affiché, avec Deneuve et Adjani ; il la force à faire ce qu'elle ne sait pas faire, il l'oblige à
parler, ça l'embête, on la sent démunie, un peu perdue. Fatalement touchante.
Kataline Patkaï/Yves-Noël Genod, C'est pas pour les cochons !
(cl. Jérôme Delatour - Images de danse)
C'est idiot, mais j'ai envie de comparer ces Cochons au triste D'Eux sens d'Abou Lagraa. Après tout, les
deux parlent d'amour et de beauté. Comparez les titres, tout est déjà dit. Chez Lagraa, il n'y a pas de vie, il n'y a que de la prétention, une certitude confondante d'avoir fait de l'art, un
produit artistique dument intégré dans un plan de carrière menant à la tête d'un CCN. Chez Genod, il y a cet air de ne pas y toucher, de rester dans l'éphémère ; un dilettantisme qui cache une
véritable sensibilité, une vulnérabilité qui force l'empathie. Mon choix est vite fait.
Tant pis pour ceux qui n'auront pas été à Vanves, ce n'est sans doute pas demain que l'on reverra ces Cochons. Mais ne manquez pas les prochaines créations d'Yves-Noël Genod et de Kataline Patkaï,
parce qu'ils le valent bien.
♥♥♥♥♥♥ C'est pas pour les cochons !, d'Yves-Noël Genod et
Kataline Patkaï, a été donné le 20 février 2009 au théâtre de Vanves dans le cadre du festival Artdanthé.
Retrouvez ici C'est pas pour le cochons ! en images