Durant l'enquête, ils sont trente-huit à témoigner des cris, des appels au secours entendus, du suspect aperçu sur la scène du crime, du calvaire de la jeune Kitty. Un journaliste du NY Times s'interroge, trente-huit témoins et une passivité commune, comment est-ce possible ?
L'affaire secoue l'Amérique. Plus que l'horreur suscitée par le meurtrier pervers et nécrophile, c'est bien l'impassibilité des habitants d'Austin Street qui provoque l'incompréhension et la révolte. La presse va se jeter sur eux, ce sont des gens comme vous et moi, ils sont respectables et respectueux de la loi. Leur silence nous fait tomber des nues.
L'affaire a eu des retombées, c'est devenu un cas d'école, car on parle désormais du syndrome Kitty Genovese. Il s'agit de la diffusion de la responsabilité, plus les témoins sont nombreux et moins ils se manifestent pour porter secours, chacun pensant que l'autre va bouger le petit doigt.
Comme le souligne l'éditeur, le roman de Didier Decoin se lit dans un frisson. Ce sont plus de 200 pages glaçantes, rapportées avec un sens du détail quasi chirurgical par le narrateur, Nathan Koschel, un voisin qui n'était pas présent ce soir-là. « Sommes-nous curieux jusqu'à l'impudence, jusqu'à l'irrespect ? » Une part de ressenti face à cette lecture me pousse à répondre positivement.
J'ai été un peu dégoûtée par ce livre, que je trouve trop froid, trop dérangeant, trop scandaleux. Il bouleverse, il force à se remettre en question, à se demander qu'aurions-nous fait à la place. Car bientôt, à lire cette histoire affolante, le sentiment de culpabilité se déplace. Il y a le monstre sanguinaire et sans état d'âme, qui trouve sa place toute justifiée à la barre des accusés, mais on sent que la justice trébuche, a envie de marquer le coup. C'est toute une opinion publique qui s'émeut, qui ne comprend pas.
Un roman terrible, pénible et qui met mal à l'aise.
Grasset, 2009 - 227 pages - 17,90€