Des militants marocains des droits de l'Homme exigent la libération d'un journaliste

Publié le 03 mars 2009 par Tanjaawi

Depuis mi-février, des militants marocains des droits de l'Homme font part de leur totale réprobation au sujet de la détention prolongée du journaliste Chekib El-Khayari pour avoir "collaboré avec des entités étrangères".

Naoufel Cherkaoui /Rabat / Magharebia.com— 02/03/09

[Naoufel Cherkaoui] Le militant des droits de l'Homme Chekib El-Khiari est accusé d'avoir critiqué le gouvernement.

Plusieurs organisations de la société civile et des militants des droits de l'Homme au Maroc continuent d'exiger la libération du militant des droits de l'Homme et journaliste Chekib El-Khiari, détenu depuis le 17 février et accusé d'avoir "collaboré avec des entités étrangères" et terni la réputation du Maroc.

Jeudi 26 février, des responsables politiques, des militants des droits de l'Homme, des syndicalistes et des journalistes se sont rassemblés au centre culturel Charif Idrissi d'Al Hoceima pour parler des derniers développements de cette affaire.

Les participants sont convenus à l'unanimité de l'importance et de l'urgence de leur initiative et ont considéré l'arrestation d'El-Khiari comme "une violation flagrante des droits fondamentaux des individus et des groupes fixés par la législation locale et internationale, qui est le droit à l'expression d'une opinion."

El-Khiari, membre du Conseil Fédéral du Congrès Mondial Amazigh (CMA) et président de la Ligue Rifienne des Droits de l'Homme (LRDH), avait critiqué le gouvernement marocain pour avoir démantelé un réseau international de trafic de stupéfiants dans la ville de Nador, où se trouve le siège de l'association. Les membres des forces marocaines de sécurité avaient été arrêtés et accusés d'implication dans ce réseau.

A l'époque des faits, El-Khiari avait écrit dans un communiqué : "La campagne visait les petits trafiquants et excluait les icônes de la corruption politique et les responsables occupant des fonctions sensibles dans l'appareil de l'Etat."

Les autorités marocaines avaient alors accusé Khiari de "recevoir des commissions d'entités étrangères en retour du lancement d'une campagne médiatique visant à porter atteinte et à sous-estimer le sérieux des efforts consentis par les autorités marocaines dans leur lutte contre la promotion de la drogue".

El-Khiari est aujourd'hui détenu par la police judiciaire de Casablanca.

"Les charges retenues contre El-Khiari sont parfaitement infondées", a déclaré Mohammed Hamouchi, vice-président de la Ligue Rifienne des Droits de l'Homme. "La poursuite de l'association rifienne se résume purement à la poursuite d'un militant des droits de l'Homme afin de tromper l'opinion publique quant à l'implication de certains éléments de la sécurité dans le réseau de Nador."

M. Hamouchi a ajouté qu'El-Khiari n'avait fait que coopérer avec des médias étrangers pour produire des articles sur la drogue au Maroc.

La détention d'El-Khiari a été dénoncée publiquement par plusieurs organisations internationales et locales des droits de l'Homme et de défense de la liberté d'expression.

Dans un communiqué, Amnesty International a qualifié l'arrestation d'El-Khiari d'"attaque contre le droit des défenseurs des droits de l'Homme à réunir et à diffuser des informations."

"Amnesty International demande la libération immédiate et sans condition du défenseur des droits de l'Homme Chekib El-Khiari. Amnesty International le considère comme un prisonnier de conscience, détenu au seul motif de ses affirmations anti-corruption et de ses activités en faveur des droits de l'Homme."

L'Association pour la Défense des Droits de l'Homme au Maroc, basée en France, a également dénoncé cette arrestation, la qualifiant d'"oppressive". Elle a critiqué "les méthodes employées pour intimider les militants des droits de l'Homme qui luttent contre la corruption et les abus de pouvoir, qui sont fortement enracinés dans la société marocaine".

Khadija Ryadi, présidente de l'Association Marocaine des Droits de l'Homme, a déclaré que l'affaire d'El-Khiari présentait des contradictions. D'une part, explique-t-elle, les autorités ont arrêté plusieurs responsables de la sécurité dans le réseau de Nador, et d'autre part, elles poursuivent le président d'une association des droits de l'Homme au prétexte qu'il a parlé de l'implication de hauts responsables de l'Etat dans un trafic de stupéfiants.

"Les militants des droits de l'Homme au Maroc ne sont pas interdits d'exprimer leur opinion", a rétorqué Khalid Naciri, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement. "Ils sont libres de traiter de toutes les questions sans aucun harcèlement. Je suis surpris par les allégations de harcèlement à l'encontre de M. El-Khiari."

M. Naciri a indiqué qu'il était surpris par le fait que des organisations de défense des droits de l'Homme et des militants aient accusé le gouvernement de porter atteinte à la liberté d'El-Khiari et lié son affaire à des questions de droits de l'Homme.

"L'affaire de Chekib El-Khiari comporte des accusations dangereuses qui n'ont absolument rien à voir avec les droits de l'Homme et le respect de la liberté d'expression", a-t-il déclaré à Magharebia.

Lors de la réunion de jeudi, un comité préparatoire a été chargé d'initier une campagne urgente pour la libération d'El-Khiari, sous le slogan "Nous sommes tous des Chekib El-Khiari."