Milk raconte l’histoire vraie d’Harvey Milk, conseiller municipal à San Francisco et l’un des premiers hommes politiques à avoir parlé ouvertement de son homosexualité. Le 27 novembre 1978, il est assassiné par Dan White, l’un de ses collègues…
D’un coté, Gus Van Sant m’épate. Dans chacun de ses films il arrive à transcender des taboos. Que ce soit la violence ludique dans “Elephant”, le lesbianisme pluridigital dans “Even Cowgirls Get The Blues” ou la manipulation sexuelle dans “To Die For”. J’aime son cinéma, et parmi mes films préférés il a aussi réalisé “Good Will Hunting”. En plus c’est Bryan Singer (Usual Suspects, X-Men) qui devait réaliser Milk à la base…
D’un autre coté, je ne connaissais absolument pas Harvey Milk, ni son destin tragique, ni son combat, ni ce qu’il représente pour les Gays. En revanche je connais et j’aime la ville de San Francisco, son ambiance, ses odeurs, sa lumière. Que ce soit dans “Bullit”, “les Rues de San Francisco”, “L’Aventure Intérieur”, “Les Aventures de Jack Burton”, “Basic Instinct”, “The Rock” ou encore “Zodiac”, SFO est une ville qui s’est fait reine du grand écran large. Avec ses rues pentues et ses ciels bleus aveuglants, ses cables cars, ses crabes énormes, son China Town, sa Coït Tower et ses habitants à grands moustaches habillés de cuir luisant, c’est à dire les fameuses Otaries du Pier 39 ! SFO c’est pour moi aussi une ambiance à la Mystère de l’Ouest (une série très gay pour le coup!) avec ses brumes, ses maisons de bois, ses cornes de brumes et ses cloches des navires dans la nuit et la Maison Bleue de Maxime Leforestier.
Ce fut ma motivation première pour découvrir Milk. Un peu comme si un féru d’astrophysique découvrait la Guerre des Étoiles pour des raisons purement astronomiques. Découvrir un film politique pour des raisons touristiques !
Milk est à la fois un hommage et un film “avec un message” concernant le sujet vaste de la place de l’homosexualité dans une société de plus en plus régie par la morale. Sujet qui reste dans l’actualité après l’élection de Obama (et en France avec Nadine Morano, aujourd’hui c’est la première fois que la famille homo parentale est reconnue dans un projet de loi).
Un film élégant tout en nuance dirigé par un Gus Van Sant, utilisant des images d’archives mais aussi une une minutieuse reconstitution des années 70. Une époque où le coeur de SFO était habité par les hippies et les gays ou les couleurs oranges prédominaient et les téléphones faisaient BLLLLLLLING lorsu’ils sonnaient.
Gus Van Sant retrouve aussi la musique Danny Elfman (ils avaient travaillé ensembles sur “Prête A Tout” avec Joachim Phoenix et Nicole Kidman). Il signe l’une de ses meilleures bandes originales depuis longtemps. Loin des clichés qui l’ont rendu célèbre de Tim Burton à Desperates Houswives en passant par les Simsons. Elfman développe et aligne de beaux thèmes soulignés par un soupçon de cordes et de piano digne d’un travail des Porcupine Tree !
Au niveau du casting, personne ne tire la couverture, mais force est de constater que c’est une belle brochette de talent:
Emile Hirsch après avoir été dirigé par Sean Penn dans le long et lent “Into The Wild” et conduit un bolide manga dans le vomitif “Speed Racer” donne une nouvelle preuve de l’étendu de son talent.
James Franco pose son charisme tranquille et est très convaincant dans le couple qu’il compose avec Milk.
L’épatant Josh Brolin tout en retenue compose le personnage complexe de Dan White.
Mais surtout Sean Penn extraordinaire qui comme dans le film légendaire de Brian de Palma “Carlito’s Way”
sait se faire complètement oublier. Il est Harvey Milk mais certainement pas le Sean Penn boudeur Président du dernier Festival de Cannes. A la fois fragile, pugnace et sensible, le personnage porte le film sur les épaules.
Tout le casting est une réussite: Diego Luna, Alison Pill… que de talents !
Gus Van Sant est très inspiré par ce projet qu’il portait en lui depuis presque dix ans. Pour le coup, il fait de la haute couture, travaillant sur les reflets, changeant de rythme. Il sait rendre digeste un bouillon amer servi par l’excellent scénario et les dialogues de Dustin “Lance” Black (activiste gay et scénariste de “Big Love” une série sur la Polygamie au sien de la communauté mormon..).
Il nous propose de nous faire comprendre les motivations et le point de vue d’Harvey Milk, le rendant vraiment attachant et touchant dans son courage et dans sa vie de chaque instant. On comprend avec sympathie (littéralement en partageant la douleur) toute la force et le courage qu’il faut pour se lever et défendre ses droits et combien sont précieux ceux qui osent tenir tête à la bêtise des meutes. Quitte a créer sa propre meute avec tous les inconvénients et concessions qui en découlent…
Maintenant, ce n’est pas un film que tout le monde comprendra. D’ailleurs, d’après mes informations “Milk” se traduit en japonais “Moohmooh Fluid” et l’affiche sera rose.