On accuse souvent les jeux vidéos de créer des dépendances, comme dans ce reportage du JT de France qui a suscité beaucoup de réactions. Le jeu vidéo fait peur, et ces angoisses se traduisent en des mises au pilori souvent expéditives.
Yann Leroux, sur son blog, explique au contraire, arguments à l’appui, que la dépendance aux jeux vidéos n’existe pas. Le problème n’est pas psychologique, mais social. Les jeux vidéos “sont des objets sociaux, profondément enracinés dans la culture, faisant des liens avec la littérature et le cinéma. L’usage que chacun en fait dépend d’une dynamique personnelle“, explique-t-il. Donc si un enfant s’isole devant son jeu vidéo, il faut d’abord regarder du côté des relations sociales, les causes éventuelles de frustration. Ces dynamiques personnelles peuvent être de l’ordre de la dépression, de la compulsion, de l’intégration de soi dans un groupe, de l’acceptation de soi, etc. En somme, il n’y a pas plus de dépendance que lorsque ma grand-mère, par exemple, attend fébrilement l’émission des chiffres et des lettres et la météo de Laurent Romechko…
Jouer, c’est manipuler des signes
D’un autre point de vue, il ne faut pas oublier que le jeu, quel qu’il soit, est affaire avant tout de signes. Les objets utilisés dans le cadre du jeu : jouets, pierres, bâtons, poupées, etc. ont une fonction représentative. Ces objets en rentrant dans le monde imaginaire de l’enfant, deviennent autant d’éléments et symboles dans une histoire. Le jeu est une donc activité dominée par des idées.
Cette fonction de signe est d’autant plus marquée dans les jeux vidéos, qui bien qu’utilisant des images de plus en plus réalistes, se différencient des objets matériels, tel qu’un pistolet en plastique par exemple. Ce sont au contraire des images, qui en tant que telles sont des représentations. Les pixels, ces données numériques, fonctionnent eux aussi comme signe. Et qui croit que les gamers sont idiots au point de prendre les pixels pour des lanternes ?
Les jeux vidéos sont des supports de suggestion. Le joueur ne s’attache pas aux qualités matérielles des choses et images, mais à ce qu’elles représentent. Telle est l’attitude ludique : prendre une chose, pour une autre, symboliser, représenter… En somme, une attitude mentale de distanciation, d’abstraction et de réflexion.
Partant de là, l’attitude ludique peut être un facteur d’éducation, d’entraînement de la pensée, notamment d’élaboration de stratégies. Car tout comme dans une activité “laborieuse”, le jeu vidéo entraîne à mettre en relation des moyens et des fins pour accomplir une tâche. Cet article d’InternetActu montre notamment comment un jeu de stratégie comme Rise of Nations, améliore les performances des joueurs dans la capacité de raisonnement, la mémoire visuelle à court terme, la capacité de changer rapidement de tâche et la mémoire de travail. Les jeux entraînent les capacités de planification et de décision. Autant de stratégies de pensée reproductibles dans l’expérience ordinaire non ludique.
Bref, jouer est une expérience qui implique la pensée, la logique, les capacités d’abstraction, l’élaboration de stratégies par les joueurs. Les jeux vidéos, en eux-mêmes ne sont pas “mauvais”, comme on l’entend trop souvent, tout dépend de ce que l’on en fait et dans quel contexte social.
Les parents pourront s’inspirer de la réaction de ce père, qui a autorisé son fils a joué au jeu de guerre Call of Duty, à condition qu’il respecte la Convention de Genève. Beau compromis à fonction éducative ! Source en anglais : http://www.boingboing.net/2009/02/22/parent-of-gamer-asks.html