«L’extravagance collective» selon Patrick Devedjian : améliorer le pouvoir d’achat des Français !

Publié le 03 mars 2009 par Kamizole

Certes, Patrick Devedjian se permet de citer Keynes… C’est tout de même formida-blement marrant de voir tous ces ultra-libéraux qui - il y a si peu - ne juraient que par Milton Friedmann et ses épigones monétaristes de l’Ecole de Chicago, appeler Keynes à la rescousse comme si de rien n’était… Pourquoi pas Marx ?

Réagissant fin janvier à une déclaration lue dans le Figaro : Patrick Devedjian : «Le premier effet de la relance doit être l’emploi» je n’avais pas eu le temps de mettre cet article - que je voulais compléter - en ligne.

J’y suis incitée par la lecture d’un blog découvert à l’occasion d’un commentaire déposé sur un article récent par David C. et tout particulièrement un article portant sur la nomination de Pérol à la tête du nouveau groupe Caisse d’Epargne-Crédit Mutuel (je signale au passage qu’elle est désapprouvée par une majorité de Français ! selon des sondages récents) dont il se trouve que je partage l’analyse, sur cette affaire et le sauvetage des banques en général.

Or donc, selon Patrick Devedjian : Keynes affirmait - à juste titre – (c’est moi qui souligne !) dès 1931 «Théori-quement, la seule alternative à la crise serait une vaste augmentation de la consommation des ménages aux dépens de leur épargne, or c’est une extravagance collective qui a peu de chance de se produire au moment où chacun est nerveux et hésitant».

Je ne saurais dire d’où Patrick Devedjian tire cette citation. Peut-être des «Essais de Persuasion» ? ouvrage en libre accès qui peut-être téléchargé gratuitement sur le site de L’UQAC (Université du Québec à Chicoutimi). J’avoue que je ne l’ai pas téléchargé quelque fût mon intérêt pour les questions économiques. Je n’ai ni le temps ni le goût de parcourir 178 pages à la recherche d’une citation.

Au demeurant, je remarque que ce texte est antérieur de deux ans à l’élection de Franklin D. Roosevelt qui, dès son élection à la Présidence des Etats-Unis en 1933 mit en œuvre l’ambitieux programme économique et social, connu sous le nom de «New Deal». Sans doute John Maynard Keynes n’y a-t-il eu aucune part mais de nombreux économistes qui ont participé aux différentes réalisations du New Deal se sont réclamés de sa pensée.

Ayant étudié cette période il y a presque 30 ans, j’ai donc rafraîchi ma mémoire en visitant la page de Wikipedia consacrée au New Deal. J’étais toutefois à peu près sûre de mon fait : jamais l’Etat fédéral - ni a fortiori les Etats de l’Union - n’ont renfloué les banques améri-caines - lesquelles étaient largement aussi responsables du krach de 1929 et de la «Grande dépression» qui suivit - qu’aujourd’hui la grande majorité des établissements financiers de la planète.

En revanche, beaucoup de – vrai ! – «volontarisme» allié à un certain «interventionnisme» - très mesuré et assez fluctuant sur le long terme, la conception économique et sociale de Roosevelt n’étant nullement idéologique mais fondée sur le pragmatisme.

La période dite des «Cent jours» suivant l’arrivée au pouvoir de Roosevelt a correspondu au 1er New Deal qui a vu l’adoption de nombreuses lois dans divers domaines de l’économie américaine, fondé selon l’empirisme de Roosevelt sur les 3 R : «Relief, Recovery and Reform» - Aide Sociale, Reprise et Réforme - dont celle du système bancaire américain…

On remarquera à cet égard ce que doit au New Deal «l’Etat-providence» - chômage, retraites, santé et sécu-rité sociale - dont on nous rabâche ad nauseam depuis quasi 20 ans qu’il n’est plus possible…

Ce que j’ai toujours contesté… Mais l’on sait qu’il suffit d’accuser son chien de la rage pour le noyer «Les femmes savantes». Et l’important étant devenu la seule recherche de profits exorbitants, tout ce qui peut y apporter quelques limites et entraves, est décrété… impossible !

Par ailleurs, bien loin de dépenser l’argent public pour sauver les banques, Roosevelt les fit exceptionnellement fermer le lendemain même de sa prestation de serment – le 4 mars 1933. Ce fut la «United States bank holiday». Cette mesure qui visait à rétablir la «confiance» dans le système bancaire fut complétée rapidement (le 9 mars) par une loi adoptée par le Congrès.

Ne purent rouvrir que les seuls établissements ayant fait la preuve de leur solvabilité !

Nous voilà donc bien loin des largesses sans fin ni fond des différents plans de relance de la planète, à commencer par le «Plan Paulson» américain… Pourquoi laisser tomber Lehman Brothers et sauver d’autres établissements aussi mal en point ?

De toutes façons, quitte à m’attirer une fois encore des volées de bois vert peu amènes, je dirais que ces sauvetages ne m’ont jamais paru pertinents.

D’ailleurs, si je n’avais pas repris cet article, j’eus été encore plus iconoclaste pour le titre de celui que je pensais écrire : «On achève bien les chevaux»… pourquoi pas les banques ?

Je rappellerais que le film «On achève bien les chevaux» - de Sydney Pollack que j’ai vu à sa sortie en 1969 - Jane Fonda y est formidable - est tiré du roman éponyme d’Horace McCoy (1935) où entre autres expédients pour survivre, les laissés pour compte de la dépression participaient à des «concours de danse» jusqu’à épuisement sinon la mort. En serons-nous réduits à cela ?

On aura beau me dire que c’est indispensable pour le système financier et bancaire international, restaurer la confiance dans les échanges interbancaires et celle des Bourses, bref tout le tralalère de la langue de bois entendue depuis le 11 septembre 2009, je n’en pense pas moins qu’il m’eût de loin semblé préférable et logique de laisser ces établissements périr de leur belle mort au lieu d’engager inconsidérément des fonds publics – par milliers de milliards de dollars ou d’euros.

La situation n’en eût été que plus saine ensuite.

C’est un drôle de petit rigolo, le Patrick Devedjian… Sa citation de Keynes met en balance relance par la consommation des ménages et leur épargne ! D’abord, pour épargner encore faut-il avoir suffisamment de revenus disponibles…

Je rappellerais que la «propension à épargner» est fonction du revenu : faible sinon quasi inexistante chez les plus démunis, très élevée chez les plus nantis. Même moi qui ne suis rien moins que matheuse, je suis capable d’utiliser les équations très simples qui permettent de calculer «l’élasticité», non pas des cours du caoutchouc - plaisanterie connue ! – mais de l’épargne ou de n’importe quel phénomène économique fondé sur une comparaison chiffrée.

Selon les ratios retenus – français ou européens – pour établir le seuil de pauvreté (50 % ou 60 % du revenu médian) la France comptait en 2006 entre 4 et 8 millions de pauvres – entre 7,1 % et 13,2 % de la population - chiffres donnés le 16 octobre 2008 par l’Observatoire des Inégalités.

On peut déplorer ce décalage de deux ans dans la mesure de la pauvreté… Ainsi, nous ne saurons qu’en 2010 ou 2011 quel aura été l’impact de la crise économique et du chômage sur le nombre de personnes vivant en-deçà seuil de pauvreté - nombre qui ne pourra à l’évidence que connaître une croissance exponentielle.

De même qu’il est formidablement curieux que la Commission européenne qui impose parfois des normes absurdes – c’est tout juste si elle ne légifère pas sur la façon de planter les choux, de les cultiver et de les cueillir ! – n’exige pas que la France se réfère à la norme établie par «Eurostat» qui retient 60 % du revenu médian comme seuil de pauvreté…

De surcroît, si ce gouvernement de gribouilles souhaitait réellement inciter les Français à épargner, il n’aurait pas fait baisser le taux du Livret A de 4 % à 2,5 %, pour suivre l’inflation prétendument en baisse… On voit bien qu’ils ne font pas leurs courses ! et vivent aux frais des trop gentils con… tribuables…

Ensuite, la plupart des épargnants – détenteurs d’actions ou pires : de produits labellisés «baisés par Madoff» ! – ont subi des pertes qui peuvent être considérables et de toutes façons, à l’aune de leurs revenus. De même que ceux qui ont acheté très cher des logements et auront bien du mal à les revendre sans y laisser des plumes.

Des sommes tellement fantastiques - j’éprouve à peu près le même vertige que Pascal à la pensée de «l’infini» ! - ont été investies pour tenter - en vain ! - de renflouer les banques, qu’il est évident qu’il n’y a plus rien pour «l’économie réelle» et les Français.

Tout pour les «barons voleurs» des banques et de la finance en folie. Rien pour le vulgum pecus ! Je ne peux m’empêcher de plagier une pancarte citée par Libé-Lille : «La banque croûte… le peuple jeune» !

Haro sur la relance par la consommation !

Que nous soyons (mal) gouvernés par de fieffés imbéciles - animés de la plus pure mauvaise foi – ne fait aucun doute.

D’une part, ils admettent depuis longtemps et Christine Lagarde vient de le confirmer, que c’est la consommation des ménages qui est devenue le seul moteur de la croissance – bien évidemment : l’industrie à foutu le camp en Chine ! – et souvenez-vous que Thierry Breton autant que Nicolas Sarkozy souhaitaient que les Français s’endettassent plus encore pour la stimuler !

Mais d’autre part, ils refusent toute mesure qui pourrait améliorer la consommation au moment même où nous sommes rentrés, non plus en récession mais bien dans une «grande dépression» : 90.200 chômeurs supplé-mentaires en janvier 2009 et au bas mot, 300.000 chômeurs de plus attendus pour 2009 - dont personne ne saurait aujourd’hui prévoir ni l’intensité ni la durée.

Opposer - comme le fait Henri Guaino – politique de l’offre et politique de la demande – quand il devient patent que la plus grande part de la population n’a plus les moyens d’acheter même l’essentiel ou doit rogner sur tout, relève de la parfaite ânerie doublée d’une incompréhension totale de la situation économique et sociale.

Il prétend que les «actifs» créés par la politique de relance par l’investissement sont plus solides que ceux - éphémères - qui seraient créés par une relance de la consommation.

Argument repris - en bon petit perroquet trop content de trouver des arguments qui valident sa politique économique de «gribouille» incompétent et uniquement désireux d’aider ses amis banquiers - par Nicolas Sarkozy lors de sa dernière conférence de presse télévisée

Mais ces analyses pêchent par un oubli : relancer la consommation, ne pas détruire les emplois publics comme actuellement (malgré le chômage massif dans le secteur privé !) aurait tout autant - sinon nettement plus ! un impact positif sur l’économie…

Ils oublient en effet qu’en donnant aux ménages appauvris par la crise les moyens de leur subsistance – allocations chômages pour tous ceux qui sont écartés de l’emploi, revalorisation des salaires et des retraites, maintien des emplois dans la fonction publique, etc… ce sont autant de mesures qui participeraient à la relance de l’économie réelle :

La consommation profite au commerce et aux finances publiques (TVA, etc…) de même qu’aux comptes des régimes sociaux (plus de cotisations). Contrairement aux assertions ultralibérales, l’emploi - secteur marchand ET fonction publique - ne génère pas uniquement des charges !

Faisons du même pas un sort à l’argument répété ad nauseam selon lequel il est impératif de diminuer drastiquement le nombre de fonctionnaires car outre leurs salaires, le budget de l’Etat serait grevé par le poids de leurs retraites… Ni plus ni moins que celles du Régime général ! lesquelles sont servies par la CNAV à partir des fonds collectées à ce titre par l’URSSAF ;

Car - à moins que l’Etat n’y fourre ses malfaisants longs doigts crochus de prédateur pour les affecter à d’autres usages – les fonds collectés au titre de la retraite des fonctionnaires : cotisations de ceux-ci et de l’Etat ou des collectivités publiques employeurs sont collectés par des organismes de retraite – 38 ais-je lu pour les seules cotisations obligatoires !

Ce qui signifie que le service des retraites ne devrait nullement peser sur le budget général de l’Etat ni des collectivités publiques mais - comme celui de Régime général - sur des caisses de retraite en principe indépendantes…

Sinon cela ne veut dire qu’une chose : l’Etat qui prétend donner des leçons d’économie à tout le monde ne sait pas gérer intelligemment les organismes de retraite des fonctionnaires ! Pan sur le bec et CQFD…

Les 1000 mesures du plan de relance de Patrick Devedjian relèvent d’ailleurs plus du «saupoudrage» que d’un plan ambitieux et massif. Ce n’est d’ailleurs qu’un simple «effet d’annonces» : la plupart des opé-rations étaient déjà prévues et souvent différées par souci d’économies.

Enfin, elles ne produiront d’effets, pour autant qu’elles en produisent ! que dans plusieurs mois, sinon plusieurs années. Or, c’est ici et maintenant - hic et nunc - que nous souffrons !

Qu’ils n’attendent pas «les lendemains qui chantent» - «demain on rase gratis» ! - pour soulager la misère des Français !