Ces deux poèmes du livre de William Cliff, Autobiographie sont dédiés à tous ceux qui pensent que la culture est inutile1. Le livre vient d’être édité en poche. Poezibao ne peut que se réjouir de voir la collection Poésie/Gallimard de plus en plus épaulée et complétée par les collections Points/Poésie ou cette Petite vermillon des éditions de La Table Ronde.
35.
un jour j’eus la révélation de la littérature
dans le récit que fait Chateaubriand de son enfance
de la terreur qu’il eut devant son père et de sa dure
condition d’enfant à Combourg dont la sinistre ambiance
le soir avec ce père qui n’arrêtait pas de faire
armé d’un bonnet dressé sur sa tête les cent pas
me rappelait celle qui aussi me terrorisa
dans mon enfance avec un père aussi autoritaire
j’appris par ce récit n’être plus tout seul à souffrir
ce fut comme un voile levé sur mon âme sauvage
écrire devint pour moi le geste qui relie
tous ceux qui ont senti au fond d’eux-mêmes ces messages
graves que le monde méprise et tourne en dérision
mais dont par la littérature on a la révélation
36.
l’auteur de la Recherche en ces années m’a révélé
que notre intime vérité c’est la littérature
Du côté de chez…. c’est-à-dire où le voile est levé
sur ce qui toujours est couvert de commune imposture
et qu’on ne vienne pas me parler de « science humaine »
et dégrader à des concepts le chant ou la douleur
qui fut le lot de notre enfance et dont la trace hautaine
continuera à nous tenir jusqu’à la dernière heure…
près du collège se trouvait un château à tourelles
hissé sur un piton rocheux qui dominait la Meuse
quand j’allais là me promener et remuer mes rêves
j’étais comme un second René dont l’âme ténébreuse
se perdait à travers pareil château ou vers des landes
mouvantes pour y prendre le poison de ses tourmentes
William Cliff, Autobiographie, suivi de Conrad Detrez, coll. La petite vermillon, La Table Ronde, 2009, p. 53. 8,50 €.
présentation du livre dans le Poezibao a reçu du 1er mars