Article écrit par Guénolée Milleret de La Vendeuse d’images.
Fermez les yeux.
Nous sommes le lundi 9 février 1866. Sa majesté l’Impératrice donne un bal costumé au Palais des Tuileries. La souveraine porte une robe inspirée du 18e siècle, conformément à la fascination qu’elle porte pour la reine Marie-Antoinette. Peut-être est-elle vêtue, d’ailleurs, de cette robe de taffetas jaune ornée de rubans bleus et de nœuds noirs, dans laquelle elle s’est faite portraiturée par Franz-Xaver Winterhalter, en 1854… Les cheveux poudrés de blanc, Eugénie « à la Marie-Antoinette » ordonne l’entrée des ruches bourdonnantes sous des flots de bouillonnés de mousseline blanche. Nos danseuses-abeilles butinent de droite et de gauche, l’une s’approchant d’un rare Pierrot, l’autre virevoltant vers un fier grand seigneur de l’époque de Louis XIV. Puis l’essaim se recompose dans un bruyant froissement de taffetas et de satin, pour exécuter un ballet aérien.
Dans les bals masqués de la haute société, Arlequins, Colombines et Pierrots se font rares. Les costumes à la mode sont ceux de la Suisse ou de la province de Normandie. On aperçoit là, une élégante Bernoise, toute corsetée de velours noir ourlé d’or, relevant avec grâce sa traîne de satin cerise pour se diriger vers son fier Andalous, vêtu en culotte et veste de velours gros bleu, ornées d'effilé grelots, arborant un fier chapeau de feutre noir à bord gouttière et pompons noirs.
Nos danseuses-abeilles se dispersent à nouveau. Méphistophélès, en pourpoint et culotte de satin noir, zébré de velours en bande et orné de crevés en foulard rouge, en profite pour s’extraire habilement de la conversation d’une Jardinière Trianon accompagnée d’une Grisette sous Louis XIV. Notre homme drape d’un grand geste inquiétant son manteau Crispin en drap rouge et se dirige vers une jeune Arlequine 1830, qui vient juste d’entrer en société. Elle masque le rouge de ses joues sous un large éventail. Elle porte une jupe en satin, à disposition de carreaux variés de couleurs, ornée au bas d'un cordon de plumes noires, un corsage drapé en satin maïs, aux manches courtes très bouffantes. A la vue de Méphistophélès s’approchant, elle est emprise d’un fort émoi, sa respiration s’accélère, son geste est nerveux. Saura-elle résister aux avances de ce brillant homme à la réputation de séducteur peu scrupuleux ?
Mais revenons à l’assistance : ici, une Miss Dianah en costume de chasseresse attend impatiemment d’honorer son carnet de bal. Là, sous les traits d’une paysanne d’Auvergne, une jeune femme a grand soin de faire valoir une croix de diamants qui la distingue. Plus loin, semble s’ennuyer une Merveilleuse esseulée, mal à l’aise dans une redingote de style Transition, à rayures blanches et maïs, sous un chapeau trop petit, peu seyant : elle aurait rêvé de ce somptueux costume de magicienne en gros grain bleu garni de bandes de velours rouges brodées d'arabesques, une écharpe en taffetas noir posée en sautoir sur la jupe…
A l’écart du tourbillon des valses, dans l’encadrement d’une lourde tenture de velours vert mousse, la Fée des salons, vêtue d’une robe de mousseline immaculée et corsetée d’un rose délicat, observe ce ravissement. C’est son premier bal costumé, elle n’a jamais rien vu de plus beau. Petite déjà, elle se rendait accompagnée de sa mère à des bals pour enfants, les costumes y étaient tout aussi somptueux. Mais aujourd’hui, c’est son entrée dans le monde, elle est la Fée des salons.
Ne brisons pas le charme.
Photographie 1 : La planche du Follet de 1838 représentant la
fameuse "Fée des Salons" ;
Photographie 2 : La planche du Musée des Familles de 1858 mettant en scène, entre autres, le costume de magicienne à gauche de la bergère Trianon en rose, et à
l'extrême droite, le costume breton ;
Photographie 3 : La planche du Journal des Demoiselles de 1892 montrant l'Arlequine 1830 et à gauche, une danseuse russe.
Guénolée Milleret
La Vendeuse d’images
par La Vendeuse d'images publié dans : La Modeajouter un commentaire 0 commentaire (0) commentaires (0) créer un trackback recommander Précédent : Le carnaval de Paris. Retour à l'accueil