Alors âgée de seize ans, Shin Kyong-suk désire devenir écrivain, et sa cousine photographe. Mais pour commencer, il faut aller travailler à l'usine pour que
l'entreprise finance leurs cours du soir, et donc partir de la campagne rejoindre le frère aîné à Séoul, dans une chambre bien petite pour eux trois dans une grande maison qui en compte
trente-sept. Dans cette fabrique d'électroménager, les deux adolescentes vont être exploitées comme tant d'autres, sous la menace et l'intimidation, malheureuses de ne pouvoir soutenir le
syndicat naissant...
Cette autobiographie poignante révèle le quotidien cruel des Coréens du sud, encore sous le joug de la dictature, brimés par les patrons, amaigris par les privations, et aussitôt
sévèrement punis à la moindre révolte, qu'elle soit syndicale ou civile. De belles lignes décrivent également la relation que la narratrice noue avec l'écriture, et surtout, la souffrance
de revenir enfin sur cette période traumatisante débouchant sur un drame. Une écriture simple mais affirmée, singulière, procédant souvent par reprise anaphorique de l'âge (s'agit-il
d'une coutume ?) :
"Je trouve enfin mon style. Des phrases simples. Très simples. Le présent pour décrire le passé et le passé pour décrire l'immédiat. Comme si on prenait
des photos. De façon nette. De façon à ce que la chambre solitaire ne se referme pas. Un style qui dit la solitude de mon frère aîné qui avançait ce jour-là vers le portail du Centre en
fixant le sol." (p. 35)
SHIN, Kyong-suk. – La Chambre solitaire / trad. du coréen par Jeong Eun-Jin et Jacques Batilliot. - Picquier, 2008. – 399 p.. – ISBN 978-2-8097-0062-6 : 19,50 €.
Autobiographie - Corée - condition de travail - école - dictature