En réponse à un précédent billet, l'un des trop rares commentateurs de cet extraordinaire blog me disait ceci : « Nous sommes au moins 2 (à te lire...) ! Excellent groupe d'articles JM. Ils constituent un bon exemple de LinkBait ».
J'avoue que je ne connaissais pas ce terme, aussi ai-je décidé de m'y intéresser, en irréfrénable curieux que je suis (ce qui est d'ailleurs une qualité pour un traducteur).
Comme le souligne Bill Hartzer dans son article, même si le terme est plutôt récent, le concept qui se cache derrière est aussi vieux que l'Internet (Although the term "link bait" is fairly new, the entire concept of link bait has been around as long as the internet itself).
Voyons d'abord ce qu'on trouve sur le Web à propos de bait et de baiting. Parmi de multiples définitions possibles, il convient d'isoler celles qui ont un lien (puisqu'on en parle !) avec notre sujet :
Le "bait", c'est l'appât dont se servent les pêcheurs pour ferrer le poisson. Un concept qui prend une connotation négative appliqué à la publicité, puisque le "bait advertising" est une pratique à la limite de la légalité, qui consiste à appâter le client par des prix exceptionnellement bas, qui cassent le marché pour tout dire ;
Le "baiting", c'est l'acte de provoquer les internautes par la polémique ou autre, en cherchant à susciter une réponse embarrassante de la cible et à déclencher le rire ou l'amusement chez les autres.
Donc à première vue, les notions de "link bait" et de "link baiting" (volontiers contractés par les anglophones en "linkbait" et "linkbaiting") seraient plutôt négatives si l'on s'en réfère à ce qui précède. Or il n'en est rien, puisque le sens désormais associé à ces termes semble franchement positif, dont l'émergence remonte à la fin du mois de janvier, voilà à peine 15 jours (même si on trouve certains signes avant-coureurs dès novembre 2005, voir entre autres ici, ici ou là) !
Maintenant, pour transposer l'idée en français, la métaphore toute trouvée est celle de la pêche à la ligne (hameçonnage serait plus correct mais le terme est déjà pris pour traduire "phishing"), où la ligne c'est le lien, où le blogueur tient le rôle du pêcheur, où l'hameçon c'est l'accroche (le hook), et où les gentils poissons sont tous ceux qui auront l'amabilité de mettre spontanément un lien vers votre blog, sans que vous ayez l'air de le leur demander (même si l'intention avouée est celle-là) !
Attrape-liens ou appâte-liens, j'aurais tendance à traduire le link bait et le link baiting par la « pêche au lien » (ou « pêche aux liens », puisqu'on en veut plusieurs, hein, si possible !). Il ne nous reste plus qu'à voir par l'exemple l'art et la manière de pratiquer ce nouveau sport.
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L'analogie avec le sport n'est pas gratuite, le sport nécessitant par définition de l'endurance et de la technique. Le talent peut être inné, il n'en demeure pas moins qu'il faut le nourrir et le cultiver !
Concrètement, ça consiste à créer chez vos lecteurs ou vos visiteurs d'un instant l'envie irrépressible de faire un lien vers votre blog, votre site, vers un article ou une idée en particulier. Les anglo-saxons, qui sont toujours premiers lorsqu'il s'agit de créer une mode ou un mouvement sur Internet, ont déjà défini les contours de la technique pour créer des liens entrants (ces fameux liens naturels ou organiques chers aux référenceurs) sans en avoir l'air, et distinguent plusieurs manières de le faire :
sur le mode amusant (en jouant sur le pouvoir d'attraction du divertissement ou de l'humour) - funny
sur le mode polémique (les sujets qui fâchent exercent forcément de l'attrait auprès de ceux qui se sentent concernés par le sujet, en pour ou en contre) - controversial, contrary hooks, attack hooks
sur le mode informationnel (informer, apprendre, serrer l'actualité au plus près, dénicher le scoop, etc.) - informative, news hooks
sur le mode créatif (mettre en ligne la nouveauté, inventer un concours, mettre un prix en jeu en payant de sa poche, etc.) - creative
sur le mode utile (offrir un outil innovant, proposer des liens qui sortent de l'ordinaire, etc.) - resource hooks
Dans une étude de cas détaillée, Loren Baker nous explique la genèse de son idée de prix pour les blogs dédiés aux moteurs de recherche (reprise et réaménagée chez nous par Abondance), qui a permis de générer la bagatelle de 1 960 rétroliens sur Yahoo !
Et de conclure, avec le pragmatisme habituel des anglo-saxons :
« J'ai travaillé 4 heures à la création du concours ; si le coût estimé des liens organiques en référencement est de 100 $ l'unité, je peux évaluer la valeur des liens obtenus à 196 000 $ ; qui plus est, même en ne gardant que 10% comme pourcentage de liens de qualité, ça me donne encore 196 excellents liens que je n'avais pas auparavant ; c'est effectivement une bonne idée... »
Jean-Marie Le Ray