Gran Torino, le dernier film de Clint Eastwood, est un bon film. Des journalistes assermentés en ont chanté les louanges. Les spectateurs ont adoré, paraît-il.
J'ai été le voir. J'ai passé un bon moment. Et pourtant...
Avec un petit recul, je me dis que c'est un film trop maîtrisé. Un film parfait, trop parfait. Le scénario est bon, oui, trop bon. Tout s'emboîte, tout se résout, la perfection même. Le héros qui a tué des asiatiques pendant la guerre de Corée se rachète en se sacrifiant pour sauver la vie d'une famille asiatique. Celui qui n'a pas réussi à créer des liens avec ses fils se trouve un fils de substitution. Le prêtre que la femme a prié de faire confesser son mari après sa mort parvient à obtenir cette confession (au moins partielle). Le gamin qui a voulu voler la gran torino en héritera finalement.
C'est un film roublard: l'art de masquer la positive attitude américaine et son corollaire, le happy end, sous un personnage rugueux et une prétendue fin tragique qui ne sont que des leurres. Certes, il y a eu du sang (de l'action), il y a eu des larmes (de l'émotion), des dialogues phénoménaux, des comédiens excellents, mais tout cela tourne si bien, semble si parfaitement agencé que le spectacle en devient presque anecdotique. Trop beau. Trop bon. Trop bien ficelé. Le monde ne tourne pas si rond.