… mais que tu possèdes cet organe grisâtre qui ressemble à un gros chewing-gum mâché – le cerveau - , ainsi qu’un quotient intellectuel supérieur à 2, alors tu possèdes suffisamment de jugeote pour comprendre qu’il faut soigneusement éviter cette infâme bouse cinématographique intitulée Cyprien, et tu ne commettras donc pas la même erreur que moi…
Non mais qu’est-ce qui m’a pris d’aller voir ce que je subodorais être un nanar de toute première grandeur ? Rien qu’à l’affiche, rien qu’à la bande-annonce je savais que ça allait être mauvais. Et j’ai quand même tenté l’expérience…
Mais pourquoi ? Par masochisme ? Pas vraiment mon genre… Disons plutôt que j’ai répondu au besoin irrépressible de voir un authentique mauvais film pour vérifier que je n’ai rien perdu de mon sens critique, après quelques notations généreuses.
Biiiip ! Erreur fatale ! Mauvaise pioche !
A côté de cette pitoyable « comédie » - les guillemets sont volontaires, j’insiste – n’importe quelle infamie cinématographique franchouillarde, n’importe quelle bouillie hollywoodienne bâclée par un tâcheron de seconde zone, n’importe quelle série Z, passerait pour un impérissable chef d’œuvre…
Cyprien, c’est affreux, sale et méchant. Et en écrivant cela, je ne fais pas du tout allusion à l’excellente comédie – sans guillemets cette fois – d’Ettore Scola. J’utilise seulement les adjectifs qui collent le mieux à ce bug créatif, cette aberration filmique. Et j’aurais pu ajouter : ringard, vulgaire, débile… Car tout, je dis bien tout est affligeant dans le « film » de David Charhon.
On commence par le scénario, variante sans âme de Docteur Jerry et Mister Love où un trentenaire laid comme un pou, mal fagoté et féru de tout ce que l’on regroupe sous le terme « contre-culture » (BD, Science-fiction, jeux vidéo) se voit transformé en playboy lorsqu’il se vaporise un déodorant magique (oui je sais, il y en a qui fument la moquette…).
L’intrigue cumule pendant plus de quatre-vingt-dix minutes des gags débiles, des parodies affligeantes et surtout de nombreuses incohérences – je sais bien qu’on est dans un film fantaisiste, mais un peu de rigueur aurait été la bienvenue…
Puis il y a la mise en scène, soit totalement plate, soit inutilement appuyée et tape-à-l’œil, une réalisation « bling-bling », en somme… Mention spéciale au caméraman, qui semble avoir découvert la fonction « ralenti » de son matériel, au vu des (trop) nombreuses fois où il la met en pratique…
Et, last but not least, les acteurs, tous mauvais (ou presque)…
D’accord, Semoun fait ce qu’on attend de lui. Il maîtrise depuis longtemps son personnage caricatural de « geek » timide et coincé, cherchant l’âme sœur, si possible blonde à forte poitrine. Oui mais voilà, ce qui fonctionne à la rigueur sur de petits sketches à la télé ou en vidéo ne fonctionne pas forcément sur la durée d’un long-métrage de cinéma… Alors qu’il est supposé devenir touchant, le personnage finit par agacer, puis lasser. Et Elie Semoun ne se rattrape guère avec son deuxième rôle, Jack Price, la version « advanced » de Cyprien, dopé à l’aérosol magique… Affublé d’une moumoute filasse et de grosses ray-bans - tu parles d’un playboy ! - Semoun semble s’amuser comme un fou à jouer les séducteurs machos. Il est bien le seul. Le public, lui, s’ennuie…
… ce qui lui laisse tout le temps de contempler l’abyssale médiocrité des performances des autres acteurs. Celle d’Elisa Tovati, par exemple, au bord de la crise de nerfs dans un rôle de bimbo qui la fait sérieusement régresser au niveau de la crédibilité artistique.
Ou celle de Laurent Stocker, en roue libre, pathétique. Je ne saurais que trop lui conseiller de ne pas accoler à son nom la mention « sociétaire de la Comédie Française » quand il joue dans ce genre de nullité, sans quoi la vénérable institution risque de le licencier pour faute lourde et préjudice moral…
Et je ne parle même pas de Vincent Desagnat, égal à lui-même. Celui-là, on devrait lui remettre une médaille du mérite. Voilà quand même un type qui a réussi à cumuler les rôles débiles dans les plus gros navets produits par le cinéma français ces dix dernières années. Visez plutôt : La beuse, Les 11 commandements, Le carton, Iznogoud, Incontrôlable, Les aristos, Fracassés et Les dents de la nuit…
Sinon, il est plutôt étonnant de constater la présence au générique de Catherine Deneuve. Ce n’est certes pas la première fois que la star se compromet dans une comédie ratée, mais on se demande vraiment ce qu’elle vient faire dans cette galère, dans cet univers qui n’est pas vraiment le sien. On imagine bien ce qui a pu la séduire dans ce personnage de directrice de magazine féminin. Elle rêvait probablement d’un rôle semblable à celui de Meryl Streep dans Le Diable s’habille en Prada. Raté ! Ici, c’est plutôt Le diablotin s’habille chez Tati, et encore… Mais elle conserve au moins un semblant de dignité dans cet océan de vulgarité et de laideur.
En fait, la seule à tirer son épingle du jeu, c’est Léa Drucker. Naturelle, sobre, touchante, elle est la seule à jouer vraiment juste. C’est hélas insuffisant pour sauver le film du néant artistique total.
Je vois déjà certains de mes lecteurs se dire que j’exagère, qu’il y a forcément quelque chose à sauver dans ce film.
En fait, oui… Il y a bien l’honorable bande-son, signée par Jean-Benoît Dunckel, l’un des membres de Air.
Et aussi une réplique à mettre en avant, plus profonde que les autres. Elle est prononcée par Cyprien, peu après la moitié du film : « La vie, c'est pas comme le cinéma. Au cinéma, si t'es pas content de ce que tu vois, tu peux sortir de la salle! ».
Une belle invitation à prendre au pied de la lettre, dans le cas, bien sûr, où on aurait commis l’imprudence d’aller voir cet énorme nanar…
Note :
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