130- Entretien avec Abdelkader DJEMAI

Publié le 25 février 2009 par Ahmed Hanifi
Entretien réalisé en marge du Salon des livres maghrébins.
Ahmed HANIFI: Quels sont vos derniers écrits ?
AD : Les derniers qui viennent de sortir « Un moment d’oubli » aux ed du seuil il est sorti le 5 février. Et parallèlement à la sortie de ce livre-ci il y a une reprise en poche dans la collection ‘Point’ d’un roman qui s’appelle « Mémoire d’un nègre » qui est un roman long aux ed Seuil.
AH: De quoi traitent vos derniers romans ?
« Un moment d’oubli » c’est l’histoire d’une personne, Jean Jacques Sérano qui arrive dans une ville qu’il ne connaît pas, d’où il prend le train pour aller à Bâle en Suisse mais il ne va pas à Bâle. Il va à Troie, Chaumont, Mulhouse. On ne le sait pas. Ce jour-là il pleut, il va tourner dans la ville. Il va rester dans cette ville durant deux ans et demi parce qu’il lui est arrivé dans sa propre vie quelque chose d’épouvantable et c’est un ancien flic, un ancien inspecteur de police. A la fin on comprendra pourquoi il a choisi de partir. C’est en quelque sorte un immigré de l’intérieur. C’est à dire que ça a un regard inversé, c’est moi qui regarde maintenant cette histoire franco-française. Il n’y a rien de Maghrébin dans l’histoire.
AH: Est-ce que c’est un questionnement sur le voyage ?
Surtout sur l’errance. Ce n’est pas un SDF. C’est quelqu’un qui erre et ça on s’en aperçoit quand on voyage beaucoup dans les villes comme j’ai la chance de le faire. On s’aperçoit qu’il y a des gens qui sont là avec sac à dos, chaussures solides, et qui se mettent à tourner dans les villes. On ne sait même pas pourquoi ils sont là. Je me demande s’ils le savent eux-mêmes. En tout cas ils sont silencieux.
AH: Et « Mémoires de nègre » ?
C’est l’histoire d’un vieux salopard, d’un vieil escroc qui veut s’écrire une histoire d’ancien moudjahid, tous ses ailleux c’étaient des savants des guerriers. Il veut s’offrir une autobiographie comme un arbre de noel
AH: Il va se construire artificiellement ?
Exactement. C’est comme les gens qui ont des fiches communales et qui n’ont rien fait de leur vie et qui s’inventent un passé glorieux et historique. C’est cette métaphore-là c’est cette histoire de mémoire de nègre. Le nègre c’est l’histoire de quelqu’un qui écrit l’histoire des autres en l’occurrence un jeune qui lui, décide de prêter sa plume à ce vieil escroc analphabète mais multimilliardaire qui a la ville sous sa coupe.
AH: Sur le plan de l’écriture elle-même est-ce qu’on retrouve la même écriture qui est la vôtre c’est à dire très ramassée
Oui, je fais court pour ne pas faire long (si vous permettez). J’estime que l’écriture c’est du musc et de l’os. Ce n’est pas de la graisse ce n’est pas de tirer à la ligne. Je n’ai pas envie de faire de la littérature selon les normes. Et je le dis sans prétention aucune. Je crois que chaque mot a sa force, a son poids. Et ce n’est pas pour faire beau ou joli ou pour faire gros. Ce n’est pas ça. C’est essayer de faire juste.
AH: Il y a Maïssa Bey qui écrit aussi avec minutie ( ?), avec concision
Oui il s’agit de faire précis. Il ne s’agit pas de faire de la littérature, de faire tant de pages
AH: Mais…
Je peux faire lourd, la question n’est pas là. C’est comme l’histoire de l’artichaut. Vous voulez avoir une salade d’artichauts. Celui-ci est joufflu, bien plein, le marchand ajoute de l’eau alors vous en prenez deux ou trois pour faire une salade, vous passez votre temps à éplucher et vous tombez sur un cœur malade, et vous ne pouvez pas faire votre salade. Donc ce n’est pas la peine. Je préfère faire court. Pas par paresse pas du tout.
AH: C’est un choix d’écriture ?
C’est un choix volontaire, assumé. Je me refuse de faire de la littérature
AH: Votre écriture est très enthousiasmante.