A nouveau, les médias cèdent au vertige des sommets. On a pu lire ou entendre que les dirigeants européens avaient été convoqués par le Président tchèque pour un sommet spécial. Formation et information ont tous deux pour origine formare. On peut donc attendre des médias qu’ils remplissent un rôle de formation et ils y manquent régulièrement, préférant se réfugier dans le sensationnel et l’enflure.
Actuellement, l’Union européenne a un Parlement et une sorte de gouvernement, la Commission européenne. Elle n’a pas de Président. De ce fait, pour prendre des décisions de ce niveau, il faut réunir les chefs de gouvernement ou d’Etat des pays membres. Une telle réunion s’appelle le Conseil européen. Les traités qui régissent l’Union européenne précisent qu’à tour de rôle chaque pays membre assure la Présidence de l’Union et que le chef de ce pays convoque à Bruxelles le Conseil européen, au moins une fois pendant sa présidence et davantage si les circonstances l’exigent.
On n’a donc pas vu le Président de la République tchèque convoquer un sommet spécial. Plus précisément, le Président de l’Etat assurant la Présidence de l’Union a réuni le Conseil européen, permettant au dispositif qui tient lieu actuellement de président de jouer ce rôle et il n’y a là rien de particulier ni de spécial. Lorsque le Président de la République française réunit le Conseil des ministres ou déclenche une réunion ministérielle restreinte, il ne viendrait à personne l’idée d’y voir quelque chose de spécial ou d’extraordinaire.
Le mot de sommet est peut-être suggéré par le fait qu’il s’agit de responsables étrangers même si on a tendance à galvauder ce terme lorsqu’on commence à parler de sommet social. Les médias commettent là une nouvelle erreur, plus grave encore que la précédente, car il ne s’agit pas d’une méconnaissance des institutions mais plutôt d’un oubli de l’esprit qui a présidé à la construction de l’UE. Au début de cette édification, il s’agissait d’une Communauté européenne c'est-à-dire de pays partageant des intérêts communs. Maintenant, nous avons une Union européenne. C'est-à-dire que nous tentons de réaliser ensemble une sorte de mariage, où nous ne serons plus des étrangers les uns pour les autres, ce qu’apparemment notre Président n’a pas pleinement intégré. Dans une famille, il peut y avoir des Conseils de famille, mais jamais de sommet.